« Pour le monde rural, l’atteinte du service public est un enjeu stratégique. Aujourd’hui, le sentiment d’abandon provient de cette perte de services publics et de proximité au niveau des territoires. » Daniel Grémillet, sénateur Les Républicains des Vosges, plante le décor pour la troisième rencontre régionale, placée sous son haut patronage, organisée par la MSA à Dompaire. Une commune d’un peu plus de mille habitants, située au cœur de ce département rural qui affiche une densité de 63 habitants au km2 et dont « 47,2 % des communes comptent moins de 200 habitants », comme le souligne Carole Thiébaut-Gaudé, conseillère départementale.

Ce rendez-vous rassemble des parlementaires, des élus locaux et des acteurs territoriaux sur une thématique d’actualité : «L’accès aux services publics dans les territoires ruraux, entre proximité, accueil physique et accès au numérique».

Echange verbal versus exigence de numérisation

« Ce n’est pas le fruit du hasard si ce thème est débattu dans les Vosges, poursuit le sénateur. Nous avons décidé, d’une manière déterminée, d’apporter la fibre jusqu’à la maison, la ferme la plus reculée du département, du village. Nous avons connu l’échec du maillage territorial de la téléphonie mobile. Il ne faut pas recommencer avec la fibre tant on sait l’importance qu’elle revêt aujourd’hui pour le bien-vivre dans un territoire, pour la jeunesse (on a besoin de donner envie à des jeunes de vivre en milieu rural), pour tout habitant dans la ruralité, et pour le bien vieillir des personnes âgées. Mais apporter la fibre, si la personne est en rupture devant la dématérialisation, cela ne sert à rien. Il faut que les populations se l’approprient. »

Certains ont en effet des difficultés d’accès à l’Internet ou d’utilisation des nouvelles technologies. Leurs besoins ont parfois du mal à rencontrer les contraintes des opérateurs : au désir d’un échange verbal d’un usager peut se heurter l’exigence de numérisation voulue par les pouvoirs publics. À celui d’une proximité de service peut s’opposer la nécessité d’une rationalisation qui supprime des points de contact. Les tensions autour de la raréfaction des services se sont multipliées depuis plus d’un an, renforçant le sentiment d’isolement de territoires moins bien dotés que d’autres, voire démunis.

« La proximité est pour nous un axe déterminant, déclare François-Emmanuel Blanc, directeur général de la CCMSA. Nous ne pouvons pas être à l’écart de l’évolution du monde moderne. Nous sommes pour l’Internet, les espaces numériques mais nous ne souhaitons pas que numérisation, lorsqu’elle fonctionne – encore faut-il qu’elle fonctionne correctement et qu’on aide les gens à l’utiliser – rime avec déshumanisation. Rien ne remplace le dialogue entre nos salariés, nos délégués et la population qui a besoin de ces échanges pour se sentir reconnue et bien traitée dans l’ensemble de ses demandes. »

Le plus : une approche populationnelle et territoriale

La MSA dispose de deux atouts importants pour répondre, avec ses partenaires, aux enjeux de proximité et de dynamisation : son guichet unique et la mobilisation de ses 16 982 délégués élus (titulaires et suppléants) sur les territoires. Deuxième régime de protection sociale, fortement investie dans le milieu rural, elle a « deux approches complémentaires, comme le souligne Magalie Rascle, directrice du développement sanitaire et social à la CCMSA : populationnelle (vis-à-vis des exploitants et salariés agricoles) et territoriale ». Elle dispose de cette double légitimité depuis sa création et intervient de ce fait sur de nombreux champs. « Elle le fait par un accompagnement social individuel, par des programmes collectifs (à titre d’exemple, le “parcours confiance” qui réunit pendant plusieurs séances un groupe d’agriculteurs en difficulté pour des raisons liées à l’image de leur métier, à la conduite de leur exploitation, à la transmission, à l’épuisement professionnel…). Mais au-delà, la MSA déploie des actions sur les territoires avec de l’ingénierie sociale, du développement social local, grâce à l’appui de ses délégués. Ils sont les antennes de la MSA et détectent des besoins, le manque de services, d’animation, l’isolement des personnes âgées… Nous mettons en place un diagnostic pour mobiliser les acteurs locaux, les associations, les partenaires afin de développer, en fonction des besoins identifiés, de nouveaux services : transport à la demande, portage de repas, ateliers d’informatique…  » [voir à ce propos le témoignage de Franklin Frères, élu de la MSA Lorraine].

Cette force de frappe conduit à un rassemblement des forces vives, une émulation pour contribuer au développement des territoires et proposer des réponses adaptées aux besoins qui se font jour. Des solutions clés en main, loin d’un dispositif unique qui serait plaqué partout de la même façon : « L’attention de la MSA aux territoires ruraux doit tenir compte des particularités locales car ceux-ci ne sont pas uniformes, loin de là, insiste Pascal Cormery, président de la MSA. Ils sont multiples et la ruralité recouvre une diversité de situations allant des zones déclassées caractérisées par de faibles niveaux de revenus, un fort taux de chômage et des populations majoritairement âgées ou fragiles aux territoires dont l’activité agricole est en pleine expansion. La mise en place d’actions et de mesures répondant aux besoins locaux nécessite donc en amont une analyse fine et précise du territoire concerné pour définir les objectifs recherchés : l’accessibilité aux soins, aux services, le niveau d’équipement, le niveau économique, la démographie, l’attractivité, ou encore le développement des ressources propres. »

Se réapproprier la réalité de la vie paysanne et rurale

Les projets mis en place sont donc multiformes et souvent impulsés par les délégués MSA qui grâce à leur connaissance du terrain, sont les premiers relais de proximité des adhérents du régime agricole. « Avec les personnels des caisses, ils contribuent au développement social local au profit du “mieux vivre ensemble” et d’un meilleur accès aux services », pointe Thierry Manten, premier vice-président de la MSA, illustrant leur mosaïque d’interventions par de nombreux exemples : les chartes des solidarités avec les aînés, les chartes territoriales pour les familles, les appels à projets jeunes, ou encore la prévention des risques psychosociaux abordée à plusieurs reprises lors de cette rencontre, en raison notamment des difficultés du monde agricole, de son isolement parfois dans les territoires ruraux mais aussi de l’agribashing, vécu comme une agression violente par les exploitants et salariés agricoles, extrêmement fragilisante. Daniel Grémillet pointe l’urgence de « se réapproprier la réalité de la vie paysanne et rurale, faire partager ces éléments à celles et ceux qui viennent vivre dans nos territoires ruraux. Avec son maillage, la MSA peut y prendre part. Il faut apporter des signes forts pour que la ruralité n’ait plus le sentiment d’être laissée pour compte mais qu’elle devienne une raison supplémentaire du bien vivre et une chance pour la France. »