Jeudi 26 novembre 2020, la première livraison de denrées à la Banque alimentaire du Rhône a lieu. Elle se compose notamment de patates aussi douces que le réconfort qu’elles apportent aux équipes de l’association. Et pour cause, en raison du confinement, les collectes grand public n’ont pas lieu. Elles sont reportées au premier semestre 2021. En conséquence, les stocks s’amenuisent. Pour autant, les demandes, elles, grimpent en flèche. Il faut dire que la deuxième vague de la crise sanitaire s’accompagne de difficultés économiques et sociales touchant de plus en plus de personnes. Le lendemain, vendredi 27 novembre, l’un des producteurs qui vit à 40 minutes de là, vient livrer ses produits (2 000 yaourts) sans coût supplémentaire. C’est le cas de tous. Un soulagement pour la Banque alimentaire dont la crainte au départ était que l’opération « lui coûte cher, en temps et en argent, si elle avait dû aller chercher elle-même les produits », indique Aurélie Paio, animatrice du réseau des élus à la MSA Ain-Rhône, présente lors de cette deuxième livraison.

Ce jour-là, elle a ainsi pu assister à un vrai rapprochement : « Ce sont deux mondes qui se rencontrent. Celui de l’aide alimentaire, de tout ce qui est associatif, humanitaire, et le monde agricole. L’agriculteur n’avait jamais travaillé avec la Banque alimentaire. » En effet, les producteurs qui se sont portés volontaires ne connaissent pas forcément le fonctionnement de l’association. Et si, pour l’occasion, ils vendent leurs produits par l’intermédiaire de la MSA Ain-Rhône, la rapide visite des locaux et entrepôts faite par monsieur Cottier, chargé de mission de la Banque alimentaire, leur permet de se rendre compte de l’ampleur de la tâche et semble bien susciter quelques volontés de dons. « Dans les échanges, j’ai entendu des producteurs demander : comment ça marche ? quelles sont les démarches, les conditions ? Il y a ainsi des choses qui se mettent en place, des graines qui sont en train de germer », ajoute Aurélie Paio.

Une seule et même direction

Des graines semées grâce au partenariat établi par la MSA Ain-Rhône et les banques alimentaires des deux départements. Une collaboration qui s’inscrit dans un plan d’ensemble de l’opération MSA solidaire, comme l’explique Nathalie Moore, sous-directrice en charge de l’action sociale : « Pour nous, cette action est un tout. Dans ce cadre, on a donc pris des initiatives dans deux directions : soit pour protéger, soit pour tisser du lien social. Il y a d’abord eu l’appel à projets que nous avons déployé au printemps afin de débloquer rapidement de l’argent pour les acteurs associatifs. Ils en avaient besoin pour acheter du gel hydroalcoolique, des masques, mettre en place des mesures de protection plus collectives ou des actions pour retisser du lien social, comme des ateliers ou l’élaboration d’un petit film. Le deuxième volet a consisté à faire voter par notre comité d’action sanitaire et sociale un grand panel d’aides financières exceptionnelles en direction des familles et des retraités précaires ou modestes. Le troisième vise, lui, des actions de solidarité et de proximité avec nos paniers solidaires et le partenariat avec les banques alimentaires. » Ainsi, après le vote des élus du conseil de l’action sociale, ce ne sont pas moins de 66 000 euros qui ont été débloqués, sur les fonds de l’action sanitaire et sociale de la MSA Ain-Rhône, pour financer trois interventions sur le terrain : le partenariat avec les banques alimentaires (10 000 euros chacune), la distribution de paniers solidaires (40 000 euros) et le soutien à l’association Les Monts du Lyonnais (6 000 euros). « Le dispositif d’aide autour de l’alimentation fait le lien entre les plus précaires, ceux vraiment fragilisés par la crise, et les producteurs locaux dont certains avaient perdu pas mal de leurs débouchés de vente », indique Laure Désiré, responsable du service communication.

Alimentaire mon cher Watson

À la demande de la MSA Ain-Rhône, ce sont les chambres d’agriculture qui ont fait le lien avec les producteurs : « Leur adhésion au projet a été immédiate. Elles ont fourni aux banques alimentaires des listes de points de vente collectifs et ont contacté quelques magasins de producteurs mais rapidement, on s’est rendu compte que ceux-ci n’avaient pas des capacités d’approvisionnement suffisantes », explique Aurélie Paio. En effet, pour ravitailler les 229 associations sur les deux départements auxquelles les banques alimentaires redistribuent les denrées, les besoins sont énormes. À chaque fois, plusieurs centaines de kilos sont livrées par les producteurs (environ 400 kilos pour les patates douces, redistribués dans la journée même). Les chambres d’agriculture ont donc envoyé un message aux producteurs pour savoir s’ils souhaitaient se positionner sur ces livraisons, puis la banque a pris contact directement avec eux. « Les chambres ont une meilleure connaissance de leur activité. Il faut des producteurs en mesure d’avoir des quantités suffisantes et des aliments variés à des dates assez précises. » D’autant plus que, deux soutiens valant toujours mieux qu’un, ces achats sont effectués auprès d’agriculteurs locaux qui n’auraient peut-être pas réussi à écouler leur production suivant leurs réseaux habituels.

La solidarité passe par le panier

Pour les paniers solidaires, l’enjeu est le même : « L’idée, explique Nathalie Moore, c’est de soutenir des adhérents en fragilité mais on soutient aussi l’agriculture en faisant faire des paniers avec des produits locaux. » Plus de sept cents paniers solidaires ont été distribués au cours des dix opérations qui se sont échelonnées entre le 8 et le 24 décembre. Cette fois-ci, ce sont des salariés qui dépendent de la MSA qui en ont bénéficié. Le petit groupe de travail, composé de quelques administrateurs, qui s’est constitué à l’issue du comité d’action sanitaire et sociale de septembre a proposé d’en faire profiter les travailleurs en structure d’insertion (deux Esat et cinq chantiers d’insertion), souvent en situation de précarité et encore plus fragilisés par la crise, et ceux qui se sont trouvés en première ligne dès le premier confinement. C’est le cas des salariés de l’Ehpad Ary Geoffray et ceux de Sopacel, un abattoir en activité sur deux sites du Rhône. « On passe par des magasins de producteurs, ajoute Aurélie Paio. Vu les dates de distribution, on a essayé de mixer les produits en fonction des productions locales pour composer des paniers un peu festifs (chocolat, noix caramélisées, terrines…). »

Distribution de paniers solidaires aux 65 salariés de l’Ehpad Ary Geoffray de Villereversure, le 17 décembre.

Des paniers, c’est également ce que propose l’association Pour une alimentation solidaire dans Les Monts du Lyonnais. Très active, elle agit sur une zone que la MSA Ain-Rhône suit particulièrement en raison d’un taux d’adhérents agricoles et de précarisation assez élevé. « Elle a une démarche très intéressante. Ce n’est pas du don de denrées puisqu’il y a une petite participation des familles, mais la vente se fait à des prix vraiment inférieurs à ceux du marché. Plus de 180 familles bénéficient cette distribution. Ce sont des produits locaux, bio ou issus de l’agriculture raisonnée. Elle fonctionne beaucoup avec des surplus qui lui sont donnés, or il y a très rarement des œufs ou des produits laitiers car il n’y a pas de surplus dans ces productions-là, et ça manque pour la qualité nutritionnelle de leurs paniers. C’était l’occasion pour la MSA de participer en achetant ces produits pour eux, explique Laure Désiré. On est ravis de ce projet, il y a un positionnement fort. Trois actions liées les unes aux autres, cela donne une vraie cohérence d’ensemble. » Trois initiatives, donc, pour une seule et unique direction : la solidarité en cette période de crise.

Photos : © MSA Ain-Rhône