À votre arrivée à la maison d’accueil et de résidence pour l’autonomie (Marpa) Les Pyrénées, de Thèze, commune rurale d’à peine 900 habitants au nord de Pau, vous serez accueillis par Praline, 15 mois. Si vous ne vous laissez pas attendrir par ses grands yeux noirs en amande et ses oreilles tombantes, ni par l’écrin de verdure alentour, sa maîtresse, la directrice des lieux finira de vous convaincre.
La jeune femelle cocker a rapidement conquis le cœur des résidents, tout comme celle qu’elle suit comme son ombre. À la différence que Muriel Clavé officie depuis maintenant 29 ans. Et pour la suivre, il faut tenir le rythme. Car nous ne sommes pas dans une simple Marpa : la responsable coordonne en effet tout un bouquet de dispositifs d’accompagnement des personnes âgées du territoire.
Tout commença avec PAP 15. Cette association, créée en 1979 par des représentants de clubs du troisième âge des 19 communes du canton, avait pour objectif de coordonner et d’animer toutes les actions permettant aux habitants de vieillir chez eux, ou dans un habitat alternatif. Au fil des ans se développent de nombreux outils pour le maintien à domicile :
- En 1985, naît le service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ;
- En 1993, la Marpa, qui intègre désormais le Ssiad dans ses locaux ;
- Un accueil de jour autonome, Les Tournesols, à Sévignacq, à 10 km de Thèze, en 2008.
- En 2016, s’y greffe une plateforme d’accompagnement et de répit pour les aidants, liée à la chambre de répit installée à la Marpa depuis 2014.
- Un service polyvalent d’accompagnement et de soins à domicile (Spasad) est également mis en place en 2017, entre le Ssiad et l’ADMR.
- Enfin, dernier projet qui réunira en un même lieu tous les acteurs du territoire, à littéralement deux pas de la Marpa : une maison de la prévention, qui devrait voir le jour début 2022 après deux ans d’attente dus à la crise.
Un parcours personnalisé
Aujourd’hui, une trentaine de salariés à temps plein naviguent entre les trois associations (Ssiad, Marpa et accueil de jour), chapeautées par PAP15, assurant ainsi un parcours personnalisé de soins coordonnés. Le professeur d’activité physique et la psychologue, notamment, travaillent dans toutes les structures. Les aides-soignantes complètent leur temps de travail à la Marpa en faisant des nuits, afin de se constituer un temps plein. Une façon de fidéliser et valoriser les professionnels, les recrutements étant difficiles dans le coin.
« On essaie d’instaurer un maillage qui accompagne les usagers depuis le début de la prise en charge, quelle que soit la porte d’entrée qu’ils prennent, explique Muriel Clavé. L’infirmière coordinatrice du Ssiad fait, par exemple, l’admission avec la responsable de l’ADMR pour mettre en place un plan d’accompagnement personnalisé à domicile. Celui-ci est réfléchi en équipe pluridisciplinaire afin d’organiser les passages d’aide-ménagère, d’auxiliaire de vie ou d’aide-soignante selon les besoins identifiés lors du diagnostic du domicile réalisé avec un ergothérapeute. »
Et quand la situation se complique, l’ADMR passe le relais au Ssiad, qui enclenche éventuellement de l’accueil de jour pour soulager l’aidant. « Les trois quarts des personnes que nous suivons ont un aidant, voire plus ces temps-ci, confirme Maylis Marladet, infirmière coordinatrice du Ssiad. Ils ne sont que trois, sur trente actuellement, à vivre seuls. On surveille beaucoup la fragilité et l’épuisement de l’aidant, et proposons également du temps de repos à la Marpa pour la personne aidée et permettre ainsi à son aidant de souffler. »
« Ici ce n’est pas l’usine à vieux ! »
L’accueil de jour, qui dispose d’une vingtaine de places, s’occupe à raison d’un ou plusieurs jours par semaine, de personnes de plus de 60 ans vivant à domicile ou en famille d’accueil, et présentant une perte d’autonomie physique et/ou psychique. Chaque journée est découpée par groupes de niveaux pour suivre les différents ateliers et activités prévues : mémoire, prévention des chutes, maintien de l’équilibre… mais aussi jardinage, relaxation, jeux de société. Les enfants de la crèche voisine viennent de temps en temps partager des moments avec les pensionnaires, quand la crise sanitaire ne les en empêche pas. « Nous partons toujours de leurs souhaits, de ce qu’ils aiment et on essaie de faire des groupes les plus homogènes possibles, précise Lucie Couturier, la psychologue. Ici, ils n’ont pas de sentiment d’enfermement. C’est un peu le club du troisième âge pour eux ! Surtout que beaucoup n’ont pas conscience de leurs difficultés cognitives. »
Ce n’est pas Gaston Crivellaro, 85 ans, qui va la contredire. « Je viens pour parler un peu avec du monde, car tout seul à la maison… c’est mortel. Je me languis de venir le mardi et le jeudi ! » Sa voisine, Marie Frouté, 84 ans, s’empresse d’acquiescer : « Il y a une très bonne ambiance, c’est une grande famille. » Maintenir une vie sociale et un bon moral, n’est-ce pas la première clé du bien vieillir ?
Le matin, c’est atelier mémoire pour les usagers de l’accueil de jour. L’arès-midi, tandis que certains se reposent à l’heure de la sieste, d’autres s’adonnent au Triominos. Les animateurs trouvent toujours de bonnes idées : quand le beer pong se transforme en aqua pong en cette chaude journée de juin.
« On s’adapte en permanence aux besoins, ajoute Marie-Noëlle Larrieu, infirmière coordinatrice de l’accueil de jour. C’est très individualisé, on inscrit une activité collective dans le projet personnel du patient, et non pas l’inverse. C’est une forme de respect importante, ils ont leur place. Au-delà de trois fois par semaine, on commence à travailler avec la famille pour réfléchir à une autre solution. On est là pour maintenir l’autonomie, mais nous sommes aussi la passerelle vers l’établissement. »
« Ce qui est beaucoup plus rassurant pour les personnes, affirme Muriel Clavé. Les aides-soignantes connaissent les habitudes de vie, elles sont force de conseil auprès des professionnels de la Marpa, et le nouveau résident voit des visages qu’il connaît. Ça permet de glisser du domicile à la structure sans choc. Et lorsque leur proche ne peut plus rester, nous ne laissons pas les familles dans l’angoisse. Nous les accompagnons jusqu’à trouver une solution qui tienne la route. »
Même après leur entrée à la Marpa, qui dispose de 19 logements, certains résidents qui ont des troubles peuvent continuer de passer une journée par semaine à l’accueil de jour pour travailler. Pour Maylis Marladet, « l’intérêt de notre organisation, c’est le partage de compétences. On ne reste pas cantonnés à une structure, on est plus réactifs. Nous nous réunissons tous une fois par mois pour travailler sur le projet d’accompagnement personnalisé. » « Ici ce n’est pas l’usine à vieux ! », comme se plaît à rappeler Christian Ceysens, qui vit à la Marpa depuis cinq ans.
Une philosophie payante face à la pandémie
Pour faciliter la venue à l’accueil de jour, trois minibus rayonnent sur 18 km alentours matins et soirs. Un avantage pour les familles.
Et quand la pandémie de Covid a frappé, cette philosophie s’est avérée payante pour faire face à la crise. « Au début, c’était compliqué, on était tous un peu perdus, se rappelle la directrice. Mais nous avons la chance d’avoir Maylis, qui a mis tous les protocoles en route, qui a formé les équipes aux bons gestes. Avec l’infirmière et le médecin coordonnateur de l’accueil de jour, qui s’est mis à disposition de la Marpa après la fermeture de l’accueil pendant le confinement, nous nous réunissions chaque semaine pour réfléchir ensemble au meilleur moyen de mutualiser nos capacités. La fédération nationale des Marpa a également été très réactive pour élaborer et transmettre des trames de protocoles et les consignes. Ça a été rude mais on ne s’est pas sentis isolés. » Des ateliers à domiciles ont également été mis en place à l’accueil de jour, et qui perdurent encore aujourd’hui selon les besoins. Aucun cas de Covid-19 n’a été à déplorer pendant plus d’un an… jusqu’en mai dernier, heureusement après la vaccination des résidents.
Un travail coordonné, pensé en commun, humain, qui se préoccupe du bien-être des pensionnaires autant que des salariés et des familles. La recette semble simple, et fait ses preuves. Mais il faut bien une personne hyperactive comme Muriel Clavé pour la porter à bout de bras avec tous les acteurs du territoire. « J’ai toujours eu la conscience aiguë que quand on gère une Marpa, on a besoin de tout le monde. Nous sommes comme un grand bouquet floral avec des vases communicants. On se connaît, on échange… et plein de choses se font de manière informelle et rapide. Et on ne s’ennuie pas ! Nos usagers et leurs familles y trouvent leur compte, c’est l’objectif premier, on ne le perd pas de vue. Ça nous permet d’accompagner les résidents jusqu’au bout sereinement. La Marpa devient leur maison… et quand on a une fin de vie, sans mettre les professionnels en difficulté, je considère que, quelque part, ça veut dire qu’on a réussi notre travail. »