« Le nombre de territoires touchés explose »
Le constat est implacable : la désertification médicale s’accroît. Près de 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, selon les derniers chiffres de l’Assurance-maladie. Aujourd’hui, lorsque quatre praticiens partent à la retraite, seuls deux les remplacent, avec un temps médical réduit.
« Quand un médecin n’est pas remplacé, c’est entre 1 500 et 2 000 citoyens qui se retrouvent sur le carreau, assène Dominique Dhumeaux, maire de Fercé-sur-Sarthe. Le nombre de territoires touchés explose, jusqu’à des zones qu’on imaginait encore préservées : banlieues, villes moyennes, zones littorales… Et ça va continuer à se dégrader. »
En Centre-Val de Loire, « le Cher et l’Indre pointent aux 4e et 8e rangs des départements les moins bien dotés », rappelle Régis Joubert, administrateur de la MSA Berry-Touraine, en introduction de la journée. Avec des conséquences en cascade sur tout le système de soins.
« Ce manque entraîne un effet domino qui déstabilise l’ensemble du processus et met à mal notre système de santé, assure Dominique Dhumeaux. Les personnes non suivies n’ont d’autres solutions que de se tourner vers les services d’urgence, sursollicités et, de ce fait, sous-dotés en personnel à tel point qu’ils ferment quasiment un jour sur deux et toutes les nuits dans certains départements. Résultat : la capacité de l’équipe Smur [Structures mobiles d’urgence et de réanimation] est limitée, les sapeurs-pompiers, les ambulanciers privés mettent deux fois plus de temps… Les chances de survie sont impactées. »
Pour évaluer cet impact, l’AMRF a diligenté une étude démontrant qu’en milieu rural, l’espérance de vie est de 2,1 ans de moins qu’en ville pour les hommes et 0,9 an pour les femmes (chiffres 2018). Un écart qui ne cesse de se creuser depuis trente ans. Quelles solutions pour faire face ?
L’émergence des modes d’exercice collectif
De nombreuses pistes pour tenter d’amortir le choc sont explorées au cours de la rencontre, la plupart déjà en voie de déploiement comme la fin du numerus clausus, le nouveau diplôme d’infirmier en pratique avancée, l’ouverture d’actes médicaux pour certains professionnels, la téléconsultation, l’optimisation du temps médical, le développement des infrastructures et dispositifs de mobilité, de la prévention et l’éducation en santé, le décloisonnement des différents services publics pour faciliter le repérage… Un axe majeur ressort des discussions : les modes d’exercice collectif, à l’image des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) et des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui associent des acteurs dans un esprit commun au sein d’un même centre et au profit d’un territoire donné. Une solution qui rassure les praticiens et permet aux jeunes installés de se sentir en sécurité pour exercer et de s’appuyer sur leurs pairs. À Tours, les différents témoignages le confirment.
Aider au portage de solutions
Impliquée depuis de nombreuses années, la MSA a notamment aidé à l’élaboration de plus de 100 MSP, d’une dizaine de CPTS ainsi que de 241 hôpitaux de proximité.
« Nous essayons d’être le chaînon manquant dans la mise en œuvre des portages de projets, explique François-Emmanuel Blanc, directeur général de la CCMSA, lors de la table ronde du 8 novembre. La grande difficulté à laquelle se trouve confronté un décideur public, ce n’est pas tant l’idée que la réalisation concrète. Nous disposons de spécialistes de l’ingénierie de projet répartis sur tout le territoire national au service de ceux qui veulent faire afin d’aider à assembler ces solutions au bénéfice des populations. »
Autre piste qui semble faire ses preuves, celle du salariat. Cité en exemple, le département de Saône-et-Loire qui, face au départ en retraite imminent de la moitié de ses généralistes et après une longue enquête pour comprendre leurs attentes, a créé, en 2018, un grand centre de santé qui les salarie aux 35 heures. Disposant de personnel administratif et de tout le matériel nécessaire, le projet attire. Aujourd’hui, le territoire compte 70 praticiens salariés, dont 63 généralistes, répartis sur 6 centres et 22 antennes là où la demande est forte. Des réalisations concrètes et une volonté de travailler ensemble qui, malgré les prévisions alarmistes, redonnent un peu d’espoir.
Pour aller plus loin :
« Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques – Les leçons de la littérature internationale« , étude de la Drees parue le 9 décembre.