Héléna Revil dirige l’Observatoire des non-recours aux droits et aux services (Odenore), implanté à l’université de Grenoble. Son équipe de recherche en sciences sociales a pour spécificité d’essayer de comprendre pourquoi des personnes n’activent pas certains de leurs droits, certains dispositifs ou services conçus pour les aider.
Donner la parole aux populations
« C’est vraiment le cœur de notre sujet, explique-t-elle. On regarde trop souvent l’action publique à travers les yeux de ceux qui la font, qui décident, qui la mettent en œuvre au quotidien, mais assez peu à travers ceux des publics, des citoyens, des personnes visées. Notre idée principale est de donner la parole aux personnes qui actionnent leurs droits mais aussi à celles qui ne les actionnent pas. Nous nous intéressons également à ce qui est mis en place par les acteurs pour lutter contre ces phénomènes et partons de là pour tenter d’éclairer différemment l’action publique ».
En 2020, quand la MSA Poitou envisage d’expérimenter Déclic +, une version « plus complète » du dispositif Déclic qui existe déjà au niveau national, elle souhaite avoir à ses côtés une équipe de recherche pour l’aider à prendre du recul, avoir un regard extérieur. Ce sera celle de l’Odenore dont les nombreux travaux déjà réalisés avec les caisses primaires d’assurance maladie ont donné de la visibilité à son équipe sur le sujet de l’accès aux soins.
Un accès souvent gêné par des freins de nature sociale auxquels répond l’accompagnement par un professionnel de la MSA dans le dispositif Déclic. L’hypothèse de l’expérimentation de la MSA Poitou est qu’il y a peut-être aussi besoin d’une expertise en santé.
Un déclic en plus
Dans le « + » réside ainsi l’idée d’inclure une infirmière en prévention dans la démarche. Mais également celle de ne pas se limiter à la coordination d’un parcours individuel en constituant un groupe de santé communautaire qui intègre les bénéficiaires, des professionnels et des acteurs associatifs afin de chercher des solutions pour améliorer l’accès aux soins à l’échelle du territoire.
Lauréate de l’appel à projet de recherche 2021 de la MSA, l’équipe de l’Odenore se met au travail : « C’est un projet que nous avons vraiment coconstruit avec la MSA du Poitou. Cela nous intéressait parce qu’il y avait quelque chose d’innovant : nous pouvions poser le regard sur ce que pouvait produire ce binôme. Quelle est la conséquence de coupler une expertise sanitaire à une expertise sociale ? Il y avait du sens à se dire que nous allions explorer les effets de cette expérimentation sur les personnes qui allaient y être intégrées. »
Connaître les besoins
« Les premiers entretiens qualitatifs ont permis de connaître leurs besoins, ce qu’elles avaient compris de cette coordination de parcours proposée, ce qu’elles en attendaient, continue la directrice. Les seconds, de voir ce que cela avait produit. Notamment de savoir si le fait d’être dans un accompagnement sanitaire et social avait apporté quelque chose en plus. Il y avait la possibilité de regarder les trajectoires des personnes dans un dispositif global.
Mais ce qui est important pour nous, c’est d’être utiles aux acteurs de terrain. Ne pas faire à tout prix ce que l’on avait prévu au départ. Nous sommes ainsi passés de l’analyse des effets à l’analyse de la “pertinence” de ce dispositif par rapport aux besoins : pour qui cette expérimentation est la plus utile, avec qui travailler sur le territoire pour qu’elle le soit et repérer les besoins qui sont moins pris en charge, moins pris en compte par les différents acteurs existants. »
(1) « Le renoncement aux soins des assurés sociaux en Languedoc-Roussillon. Diagnostic dans le régime général, le régime social des indépendants et le régime de la mutualité sociale agricole », Revil Héléna et Philippe Warin, Odenore, rapport pour les organismes d’assurance maladie obligatoire du Languedoc-Roussillon, mars 2016.
Déclic, tout un programme !
Déclic a pour ambition d’offrir aux assurés de la MSA en situation de précarité un programme de prévention santé-social leur permettant de disposer de ressources et d’un accompagnement adapté pour améliorer leurs déterminants sociaux de santé. Il repose notamment sur des superviseurs, clés de voûte du dispositif, présents dans les 35 caisses de la MSA.