« Je ne l’ai pas fait juste pour une question d’argent mais par rapport au respect de ses engagements pour les enfants. » Esther, séparée depuis 2012, a sollicité la MSA pour un recouvrement. Son ancien conjoint lui devait plus de deux ans d’arriérés de pension alimentaire. Elle est venue témoigner lors d’une table ronde organisée à la MSA Sud Champagne à l’occasion de la visite d’Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, qui s’est entretenu notamment avec des professionnels de l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires (Aripa) et des parents.

« Je ne pensais pas qu’un intermédiaire pouvait solutionner aussi simplement le problème. »

« Ce genre de situation génère naturellement de la violence, même si on ne le veut pas, continue Esther. Je ne pensais pas qu’un intermédiaire pouvait solutionner aussi simplement le problème. Avoir une personne extérieure qui négocie, transige, rappelle lors des oublis ou des retards… Ça coupe cette agressivité et la complexité d’une relation quand il n’y a plus aucune communication. Ce suivi permet d’avancer et de rester positif. » Ne plus avoir à se soucier de la négociation de la pension alimentaire, dont le paiement se révèle difficile dans près d’un tiers des cas, apaiser les relations entre les ex-conjoints, c’est bien là le rôle de l’intermédiation et de l’Aripa.

« Une source de tension qui rejaillit sur les enfants. »

Béatrice, quatre enfants, a vécu dix ans de tensions, d’impayés et de multiples procédures judiciaires avec son ex-mari. Elle a fini par se tourner vers la MSA Sud Champagne pour obtenir de l’aide. « Au bout d’un moment on n’en peut plus. Au départ, tout ce que je demandais, c’était qu’il s’occupe de ses enfants. Même ça il ne l’a pas fait. Il ne les a pas vus grandir et maintenant il voudrait les voir… C’est un peu dommage. Aujourd’hui, il paie la pension de mon dernier, puisqu’il ne me reste plus que lui à charge, ainsi qu’à mon grand en situation de handicap qui travaille en Esat. »

Ces trajectoires heurtées par les tensions, les conflits, les problèmes financiers entre les parents peuvent avoir un retentissement important sur l’éducation et le développement des enfants. « Le non-versement peut jeter dans la précarité une femme et ses enfants, souligne Adrien Taquet. Pour les familles monoparentales, cette pension alimentaire peut représenter près de 20 % des ressources du foyer. C’est aussi une source de tension qui rejaillit sur les enfants. L’intermédiation a donc un effet bénéfique à double titre pour eux. Toutes les personnes qui se séparent, ou sont séparées même depuis plusieurs années, doivent se voir proposer ce dispositif par le juge, les avocats, les CAF et les MSA. Il suffit que l’un des deux parents le demande pour qu’il soit mis en place. »

Une situation complexe en milieu rural

Autre champ d’intervention de la protection sociale des familles déployée par la MSA, qui complète le dispositif des pensions alimentaires : l’accompagnement à la parentalité en milieu rural. Travailleurs sociaux et familles ont démontré ses enjeux et son importance en présence du ministre. Sans être totalement différent de celui mis en oeuvre en milieu urbain, il garde de nombreuses spécificités en lien direct avec le milieu de vie et l’activité professionnelle agricole. L’éloignement géographique, l’isolement social, l’insuffisance des offres de proximité, les temps de déplacement, le manque transports collectifs, les difficultés d’accès sur certains territoires rendent bien complexe et indispensable ce travail. Pour les couples d’agriculteurs en instance de séparation, des conflits liés au partage de l’exploitation ou à la transmission peuvent aussi se superposer aux questions de la garde des enfants ou de la pension.

Mathilde Leroux et Chloé Lefol, travailleurs sociaux dans la Haute-Marne et dans l'Aube, témoignent de l'accompagnement des familles, sous l'œil de David Marcoup, directeur de l'Aripa et animateur de la table ronde.
« Nous soutenons également la création et le montage de projets de structures pour la petite enfance, ainsi que les contrats locaux d’accompagnement à la scolarité (CLAS) mis en place par les centres sociaux. » Mathilde Leroux, travailleur social, revient sur les nombreuses actions de la MSA à destination des familles.

« Nous proposons un accompagnement global, social, familial, professionnel, économique, explique Chloé Lefol, travailleur social dans l’Aube. Nous travaillons avec tous nos partenaires sur le terrain, notamment pour venir en aide aux exploitants qui rencontrent des difficultés pour concilier vie professionnelle et vie familiale ou même trouver des modes de garde. Au sein de notre service, une personne est d’ailleurs dédiée à l’accompagnement des familles qui font l’objet d’un signalement par le service Aripa. » Sorties, visites de fermes ou du patrimoine local, séjours répit… de nombreuses actions sont mises en place pour permettre notamment aux familles de souffler, se reconstruire, se retrouver.

« En complément, nous proposons aussi des séances “parents après la séparation”, animés avec la CAF, des juristes et des médiateurs familiaux, continue Mathilde Leroux, travailleur social en Haute-Marne. L’objectif est de veiller au bien être de l’enfant, qu’ils puissent s’exprimer, dédramatiser. Parallèlement, dans le cadre de l’élaboration du prochain schéma départemental d’animation de la vie sociale, nous réalisons un état des lieux de la situation socio-économique des territoires afin de mettre en place des actions. Suite à la crise, de nouvelles situations intrafamiliales difficiles se sont en effet développées. »


Témoignage

Élisabeth, 53 ans, secrétaire-comptable sur l’exploitation de son mari pendant onze ans.

Pendant plusieurs années, j’ai assisté, impuissante, à la dégradation de notre situation professionnelle. Les services de la MSA, très sensibles et réactifs, ont été les premiers à émettre des signaux d’alerte. Avec leurs conseils et leur soutien, j’ai essayé de sensibiliser mon mari à certaines aides possibles et aussi comment on pouvait, en lien avec la chambre d’agriculture, adhérer à la cellule réagir* afin de mettre à plat les difficultés rencontrées et voir où se situaient les problèmes. Ce fut un échec, car nul ne peut aider une personne dans le déni qui fuit la réalité.
Ces événements ont eu des répercussions très négatives sur la vie de famille, de couple et sur ma propre santé. C’est à ce moment-là que je me suis recentrée sur mes enfants et moi : aide financière pour une semaine de ski avec le collège pour mon fils, prise en charge de séances de psychologue, de sophrologue, de sorties détente etc. L’écoute des assistantes sociales m’a permis de me sentir moins seule face aux difficultés.
Par la suite, la MSA m’a proposé d’entrer dans un groupe de femmes en lien avec l’agriculture pour témoigner de la place que nous avons dans ce métier. C’était très enrichissant, réconfortant. Aujourd’hui, je ne travaille plus dans le domaine agricole et je suis en procédure de divorce, mais la MSA m’accompagne toujours pour ce début de nouvelle vie.

* Le dispositif Réagir a été créée par les chambres d’agriculture de l’Aube et de la Haute-Marne, la MSA Sud Champagne et des syndicats professionnels afin de soutenir les exploitants qui traversent une période difficile.
Photos : © Marie Molinario/le Bimsa