Quels changements entraîne cette crise sanitaire sur vos activités ?

[Delphine Prévost, conseillère Présenve Verte Guïenne]Nous avons dû nous réorganiser pour continuer à maintenir les activités de notre association et honorer les nouvelles demandes présentant un caractère d’urgence. Quand la crise s’est installée, il nous a fallu réagir vite pour répondre aux besoins dans les conditions d’hygiène et d’équipement requises – une sécurisation pour les abonnés ainsi que pour les salariés. Nous avons ciblé nos interventions sur les retours à domicile après hospitalisation, pour permettre aux personnes de rentrer chez elles rassurées mais aussi libérer des lits dans les établissements susceptibles d’accueillir les malades du Covid-19. Nos locaux sont fermés ; nous exerçons tous en télétravail, les communications étant déportées à domicile. Cette organisation – nouvelle pour nous – est transparente pour nos abonnés. Nous pouvons, à distance, procéder à des tests cycliques sur nos systèmes pour vérifier que tout fonctionne parfaitement. La maintenance reste assurée comme si rien n’avait changé.

Comment intervenez-vous ?

Nous appliquons les consignes transmises par l’association nationale Présence Verte. Pour répondre aux sollicitations urgentes, chez Présence Verte Guïenne, nous nous déplaçons à domicile dans le strict respect des gestes barrières et sommes équipés – masques (lorsque nous pouvons en disposer), gants, gel hydroalcoolique, lingettes désinfectantes…. En amont, nous recueillons par téléphone un maximum d’informations – réseau de solidarité choisi par l’abonné [membre de la famille, voisin, ami, médecin ou personne de confiance qui peuvent être prévenus en cas de déclenchement d’une alerte], renseignements administratifs pour que le conseiller passe le moins de temps possible au domicile, en l’occurrence juste le temps nécessaire à l’installation du matériel et à une démonstration. Et, lorsque nous devons nous rendre chez une personne âgée, pour la protéger et éviter tout contact avec elle, nous demandons la présence d’une personne de confiance sur place pendant que l’abonné se trouve à l’écart, dans une autre pièce. 

Dans ce contexte particulier, nous observons que les familles se sont réorganisées, se protègent aussi d’interventions extérieures et restent bien confinées. Logiquement, elles viennent moins vers nous sauf dans des situations d’urgence.  

Comment maintenez-vous le lien avec vos abonnés ?

Au début du confinement, nous avons reçu des appels des réseaux de solidarité qui se demandaient comment nous allions fonctionner et si nous pouvions assurer le service en cas de déclenchement d’une alarme par leur proche. Nous avons pu les rassurer. 

Nos activités se sont beaucoup recentrées sur les appels de convivialité, que nous assurions déjà mais que nous avons renforcés. Moins d’interventions à domicile, certes, mais une communication intensifiée avec nos abonnés. Nous les contactons pour prendre des nouvelles, les rassurer, leur rappeler les gestes barrières, identifier aussi les besoins de première nécessité, les situations délicates. Si cela s’avère nécessaire, nous relayons les difficultés exprimées auprès, avant tout, des réseaux de solidarité susceptibles d’intervenir pour passer un coup de fil, porter les courses, réconforter…, mais aussi de nos partenaires – mairies, centres communaux d’action sociale, professionnels – afin qu’ils puissent apporter l’aide nécessaire. 

Ressentez-vous une évolution dans ces échanges ?

La première semaine de confinement, il n’y avait pas de tension particulière à l’autre bout du fil, les personnes, surtout celles qui vivent seules, étaient contentes et rassurées de l’attention qui leur était portée. À ce moment-là, les aides à domicile intervenaient encore régulièrement auprès de tous – aujourd’hui, elles limitent les passages lorsque les personnes sont relativement autonomes. La deuxième semaine, les particuliers seuls, sans famille à proximité, avec des passages moins fréquents des professionnels, ont fait part d’une solitude plus marquée. Une inquiétude grandissante s’est installée en raison des informations alarmantes sur l’évolution de l’épidémie, sur les décès survenus notamment chez les gens âgés, diffusées en continu par la télévision, qui est souvent la compagne du quotidien de ces personnes isolées. Un impact négatif sur le moral, entraînant la montée de l’angoisse – et donc de la fragilité. Il a fallu rassurer, ouvrir la conversation sur d’autres sujets plus légers et rebondir sur des choses positives.

Le tableau n’est pour autant pas complètement noir : pour certains, c’est aussi l’occasion d’un resserrement des liens familiaux (enfants venant vivre chez leurs parents ou inversement) afin d’affronter cette situation ensemble. De plus, des services, des initiatives solidaires se mettent en place au plan local. En discutant avec les abonnés, les personnels des communes et nos autres partenaires, nous les recensons : services de proximité ouverts, aide aux personnes âgées isolées, livraison de courses… et pouvons les faire connaître à ceux qui en ont besoin.

Quelles inquiétudes concrètes partagent-ils avec vous ?

Au début de la crise, certains minimisaient la situation, nous disaient par exemple avoir connu la guerre et « en avoir vu d’autres ». Mais aujourd’hui, le sentiment général d’inquiétude grandit. Et les personnes âgées isolées sont d’autant plus fragilisées, surtout en milieu rural. Ce lien social est vraiment essentiel à leur équilibre et on prend toute la mesure de l’importance des auxiliaires de vie, des aides à domicile qui interviennent chez elles : une visite, le ménage, un échange autour d’un café, les courses… Aujourd’hui, en raison des priorités liées à l’urgence de certaines situations, ce lien est rompu pour celles qui sont le plus autonomes. L’isolement se fait encore plus important avec la crainte de la contamination, mettant à mal les rencontres si importantes pour ces personnes.  

Et elles s’interrogent sur des problématiques du quotidien : comment vais-je faire pour mes courses ? Où puis-je me rendre ? J’ai peur de sortir. Et, si je sors, je ne suis pas équipé : qu’en est-il de ma sécurité ?

D’autres traits marquants ?

Il faut souligner que beaucoup n’ont pas l’expérience du recours au numérique : chercher une information, effectuer une commande en ligne, se faire livrer est bien loin de leurs habitudes. Elles sont confrontées à des préoccupations que nous n’avons pas. Quand on vit en campagne, on a plutôt l’habitude d’une grande proximité, d’un recours direct à des personnes qui peuvent rendre service. Aujourd’hui, la plupart sont coupées de ces relations humaines.

Notre rôle est d’être là dans ces moments difficiles et nous sommes rôdés à l’échange avec les personnes âgées. Au départ, si les gens nous choisissent, c’est pour cette proximité ; ils savent qu’on n’est pas loin, qu’on répondra présent et qu’on réagira vite s’il arrive quoi que ce soit. Ces contacts concrétisent les engagements pris auprès de nos abonnés ; ceux-ci et leurs familles les apprécient et en sont reconnaissants. Relation humaine et accompagnement, nous allons jusqu’au bout de notre démarche, en lien avec les valeurs du groupe Présence Verte : proximité, solidarité et innovation au service de toutes et tous.

Présence Verte Guïenne

L’association est née il y a une trentaine d’années dans le Lot-et-Garonne. Les activités de téléassistance développées en Dordogne ont rejoint son périmètre d’intervention en 2006. Sur ces deux départements, elle propose ses solutions destinées à faciliter le maintien à domicile de personnes âgées en perte d’autonomie, et/ou isolées géographiquement et socialement.

Une équipe est dédiée, depuis 2008, aux établissements (résidence autonomie comme les Marpa, maisons de repos, de retraite…) ainsi qu’aux professionnels (pour la protection des travailleurs isolés). L’activité de celle-ci rayonne sur toute la région Sud-Ouest.

Voir le site Internet, pour en savoir plus.

Photo d’ouverture : © Sylvain Cambon/CCMSA Image
Portrait : DR

Lire aussi

Visages d’une institution mobilisée. Dossier de notre numéro spécial Covid-19