Le titre de votre conférence s’apparente à un programme de vie ?

Cette maxime est le contrepied d’une vision défaitiste du vieillissement, dont on ne retient souvent que les aspects négatifs. Tout au long de la conférence, j’en aborde les dimen­sions physiques, psychiques, sociales et spirituelles, y compris religieuses. Je parle aussi des sujets les plus tabous, en parti­culier le désir sexuel des personnes âgées.

L’idée est d’expli­quer comment arriver à bien vieillir et à prendre conscience que la vie est faite de relations et de plaisirs. Comme le disait le philosophe Spinoza, le plaisir participe de l’essence même de l’homme. Vieillir est une chance. Il faut le positiver sans naïveté. On n’a encore rien trouvé de mieux pour vivre longtemps.

Le vieillissement serait-il en somme un progrès ?

C’est une chance récente, et plus encore en France où les femmes sont championnes du monde de la longévité. Nous bénéficions de nombreux atouts. Nous avons gagné un demi-siècle ; ça change tout. On ne construit pas son projet de vie, qui va de la naissance à la mort, comme à l’époque où l’espérance de vie n’atteignait pas 30 ans au XVIIIe siècle et à peine 68 ans à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Les plus chanceux d’entre nous vivent deux fois plus. Or vivre, ce n’est pas ajouter des années à la vie mais de la vie aux années, comme le dit le proverbe chinois. Il s’agit d’initier une réflexion sur la construction de son parcours personnel, familial, social et professionnel dans cet allongement.

Vous incitez à faire ami-ami avec ses rides ?

Je combats l’idée selon laquelle bien vieillir serait de rester jeune. Notre société promeut le jeunisme et le productivisme. On évolue dans un monde où il faudrait paraître l’âge qu’on n’a plus. C’est insupportable. Or, bien vieillir, ce n’est pas vouloir redevenir ce qu’on n’est plus. Cela ne signifie pas qu’on ne doive pas prendre soin de soi ou suivre la mode.

Mais un vieux au visage ridé et aux cheveux blancs, c’est beau. Les crèmes anti-âge sont pour moi un scandale. C’est une forme de mal­traitance psychologique à l’égard des seniors. Chaque âge a ses vertus, ses avantages, ses atouts. Le carpe diem y prend tout son sens.

Pourquoi plaisir et désir restent des sujets tabous ?

Nos origines religieuses y contribuent. Sans rien retirer aux vertus du christianisme, notre Église s’inscrit dans une tradition doloriste : pour aller au paradis, il faudrait porter sa croix. Le plaisir est perçu comme un péché. Or le désir fait partie de la condition humaine. Avec le plaisir, il nous aide à surmonter les souffrances de l’existence.

Heureusement que « l’Ingénieur en chef » a fait de l’acte de boire et manger d’une part, et de se reproduire d’autre part, des moments de délice et de désir, car je ne suis pas sûr que l’humanité aurait survécu sans ces fonctions vitales.

L’alimentation serait aussi un plaisir selon la Fondation de l’Académie de médecine qui vient d’éditer un livre de recettes Le Goût de l’âge ?

La nutrition ne se limite pas à l’apport des lipides, glucides et protéines. Elle est aussi un moment de satisfaction senso­rielle complète et un temps de relation. Rien d’important dans notre société ne se fait sans repas. Notre culture reste marquée par cette convivialité.

Et les joies de la table passent évidem­ment par un bon entretien des outils qui nourrissent le plaisir. Je fais référence à l’état bucco-dentaire.

Pourquoi insister sur la santé bucco-dentaire ?

Les vétérinaires ouvrent la gueule de l’animal pour en évaluer l’état. Chez l’humain aussi, la bouche en dit long sur l’hygiène, le niveau de vie, l’état physiopatholo­gique.

Avec la bouche, on fait tout. On parle, on sourit, on embrasse, on mange, on boit et on fait plus si affinités. La cavité bucco-dentaire, c’est le four à plaisirs. L’entretenir, c’est se donner les moyens de bien vieillir.

Le goût de l’âge

Présenté le 21 novembre par la Fondation de l’Académie de médecine, le livre Le Goût de l’âge comprend 50 recettes gourmandes et conviviales imaginées pour éveiller les papilles de nos aînés. Il est le fruit d’une collaboration inédite entre experts en gériatrie et chefs cuisiniers et s’adresse aux aidants.