Les coups font mal. Et ce sont souvent eux qui déclenchent une réaction chez les victimes. « Mais plus que les coups, ce sont les violences psychologiques et économiques qui peuvent davantage blesser. »

Pour Patricia, les violences exercées par son mari se sont manifestées dès le début. Il semblerait que, dans son entourage, tout le monde s’en soit rendu compte. Mais personne n’a osé lui en parler. Ce sont la psychologue et l’assistante sociale de la gendarmerie qui lui ont fait prendre conscience de cette « torture à petit feu » qu’il lui faisait subir. Patricia, amoureuse, ne s’est aperçue de rien. « C’était notre relation à nous. Mais quand j’ai été mise devant cet état de fait, cela m’a enterrée encore plus. C’est comme si on me mettait des gifles. Je m’en voulais de n’avoir rien vu. »

Insidieuses, les violences psychologiques se caractérisent par des comportements rabaissants, des reproches incessants, un manque total de remise en question et une volonté de culpabiliser l’autre. Elles alternent avec des périodes relativement longues, que les psychologues appellent « phase de lune de miel », où tout se passe bien. Mais en mai 2024, Patricia se remet à fumer. Son mari ne l’accepte pas et ne lui parle plus jusqu’en février 2025. « Une expérience extrêmement violente à vivre », confie-t-elle. Tout comme le moment où il lève la main sur elle pour la première fois. « Mon fils m’a emmenée à la gendarmerie. Je ne sais pas si j’aurais porté plainte de moi-même. »

Une bouffée d’air

C’est pourtant la première chose à faire. Pour Patricia, cela a marqué le point de départ de ses démarches. Idem pour Béatrice. Lorsque les violences conjugales sont devenues physiques, elle a rapidement porté plainte. « À la gendarmerie, on m’a indiqué des associations de soutien aux femmes victimes de violences et on m’a donné une fiche sur laquelle sont listées les aides financières. »

Dont l’aide d’urgence pour les victimes de violences conjugales. Versé par la MSA et la CAF depuis le 1er décembre 2023, ce soutien financier « doit permettre à la victime de s’éloigner physiquement de l’auteur des violences et de faire face aux dépenses immédiates en attendant de trouver des solutions durables ».

« Comme je connaissais son existence, relate Béatrice, je l’ai cherchée sur la page des demandes d’aides lorsque j’ai notifié ma séparation sur mon compte MSA. » Pour cette mère au foyer qui ne perçoit pas le RSA en raison de la prise en compte des ressources de son mari, tout comme pour Patricia, éleveuse de chiens à la rémunération variable, cela a été une vraie bouffée d’air. « Le montant de l’aide varie selon les revenus, ce qui est logique, explique cette dernière. Moi, j’ai perçu environ 500 euros. Cela m’a permis de régler mes factures, vu que monsieur s’amusait à vider les comptes. » Pour Béatrice, sans revenu, cela lui a permis de tenir le temps qu’elle touche le RSA et de mettre de l’argent de côté pour une future caution d’appartement.

Entre le 1er décembre 2023 et le 28 février 2025, la MSA a comptabilisé :

  • 549 demandes d’aide d’urgence traitées
  • 451 540 € versés au total
  • 822 € de montant moyen

Une aide pour parer à l’urgence

Et dans « aide d’urgence pour les victimes de violences conjugales », le mot « urgence » n’est pas vain. Du côté de la MSA Sud Champagne comme de la CAF, chargées de son versement via l’agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires (Aripa), l’objectif est de garantir une mise en œuvre rapide. « Dès le lendemain du dépôt de ma demande, j’ai été contactée par une assistante sociale de la MSA. J’ai fourni les documents demandés et deux ou trois jours après, le versement est arrivé sur mon compte bancaire », se souvient Béatrice. Même expérience pour Patricia : « L’assistante sociale m’a rappelée sous 24 heures, elle m’a aidée à remplir les documents puis tout est allé très vite. »

Les organismes ont en effet un délai restreint de trois à cinq jours, à compter de la complétude du dossier, pour verser l’aide. Le délai moyen en MSA est de deux jours. « Nous avons fait le choix de privilégier au maximum une démarche dématérialisée. Sur le site de la MSA, la personne souhaitant déposer une demande est orientée vers demarches-simplifiees.fr via France Connect », explique Laura André, responsable adjointe de l’Aripa, à la MSA Sud Champagne.

Le seul document obligatoire à fournir lors de cette étape est le justificatif attestant des violences conjugales (récépissé de dépôt de plainte, ordonnance de protection ou signalement fait par la victime et adressé au procureur de la République). Il doit dater de moins d’un an. Pour être contacté, il est nécessaire d’indiquer sa résidence habituelle ou une adresse de confiance. Les agents MSA portent une attention particulière aux prises de contact. « Ils s’assurent que vous êtes en sécurité », précise Béatrice. Cette vigilance est fondamentale pour une prestation aussi sensible.

Reprendre le contrôle

Pour percevoir l’aide, un relevé d’identité bancaire doit être communiqué. Ce qui conforte Patricia dans sa conviction qu’il est important d’avoir son propre compte bancaire pour ne pas être dépendante de son conjoint et de ses agissements. « Oui, les violences financières existent aussi. Devoir sans arrêt justifier de ses dépenses, ne pas pouvoir s’acheter quoi que ce soit pour soi au risque d’être prise à partie… Ce soutien est important car lorsqu’on est autonome financièrement, c’est un immense soulagement, surtout avec un enfant. Cet argent, même si c’est une aide de l’État, est exclusivement pour ma fille et moi », confie Béatrice, la gorge nouée.

Une fois la demande d’aide et la mise en relation avec un travailleur social faites, il n’a fallu que deux semaines à Béatrice pour percevoir ensuite le RSA et la pension alimentaire. « L’assistante sociale m’a appelée plusieurs fois et un suivi a été mis en place. Même aujourd’hui, alors que ma demande de logement est prise en charge par la maison des solidarités, elle continue de me contacter pour savoir où j’en suis. Elle s’implique. J’aurais préféré qu’elle suive aussi ce dossier, car gérer plusieurs interlocuteurs, c’est difficile. À chaque fois, il faut se présenter à nouveau comme victime, et cela ne contribue pas à remonter la pente. Désormais, le vrai défi est de trouver un logement, et ce n’est pas gagné. »

Se mettre à l’abri des violences

Patricia, elle, ne cherche pas. Elle partage pourtant toujours le même toit que son mari, chacun occupant un étage. « La maison nous appartient à tous les deux. C’est mon lieu de travail ; si je quitte mon domicile, je n’ai plus de bureau, plus de ressources, je n’ai plus rien. L’avenir ? Essayer de racheter la maison. » Elle doit rencontrer l’assistante sociale de la MSA pour l’aider dans ses démarches. « Je ne suis pas salariée, mes revenus ne sont pas lissés. Mais les professionnels de la MSA sont familiarisés avec les problématiques des non-salariés. »

Distribuée à la suite de violences conjugales, cette aide ne règle pas tout. En revanche, son caractère d’urgence permet aux victimes de parer au plus pressé et de se mettre à l’abri. Au-delà, elle soulage d’une charge mentale dévastatrice et offre un premier souffle d’autonomie et de confiance en soi. « Je tire ma force de mes enfants, des amis qui m’entourent et des personnes qui m’ont aidée. Désormais, je suis dans l’état d’esprit de me battre et de demander le divorce », conclut Patricia.

La MSA Sud Champagne au service de l’Aripa

L’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires (Aripa) est un service public géré par la CAF et la MSA depuis le 1er janvier 2017.

« Au service Aripa de la MSA Sud Champagne, nous gérons le versement de l’allocation de soutien familial (ASF), le recouvrement des impayés de pensions alimentaires et l’intermédiation financière –un dispositif permettant au juge de demander que la pension alimentaire soit versée à la CAF ou à la MSA qui font ensuite le relai entre le parent créancier et le parent débiteur – pour le compte des 35 caisses de MSA, indique Laura André.

Et depuis le 1er décembre 2023, nous gérons également l’aide universelle d’urgence. Une prestation fondée sur un système déclaratif. Sur la demande, la personne indique ses revenus mensuels nets et la composition de son foyer. Ces éléments nous permettent de déterminer la nature et le montant de l’aide. Le seul document obligatoire lors de la demande est le justificatif de moins d’un an attestant les violences conjugales. Nous ne tenons pas compte de la situation matrimoniale de la victime, ni du fait qu’elle soit en couple ou non au moment des événements.

Si un droit est octroyé, nous avons un délai de trois à cinq jours maximum à compter de la complétude du dossier pour verser l’aide qui s’élève, en moyenne, à 800 euros. »