S’il n’existe aucun texte fondateur, nous savons que la notion de littératie est apparue dans les pays anglo-saxons dans les années 1920. Concept bien plus large que l’illettrisme et l’analphabétisme avec lesquels on le confond souvent, la littératie est définie par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme « la capacité à comprendre, évaluer, utiliser et à s’approprier l’information écrite (et orale) dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité. Avec comme objectif d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances ».
Cinq grands niveaux :
1 : difficulté à lire un texte très simple et à utiliser de la documentation écrite.
2 : faibles aptitudes en lecture se limitant à utiliser des documentations simples.
3 : capacité à utiliser de la documentation écrite.
4-5 : compétences supérieures (combiner diverses sources d’information).
En France, le niveau 3, nécessaire pour finir des études secondaires, est jugé suffisant pour être autonome dans la vie quotidienne et au travail. Malheureusement, 58 % des adultes français n’atteignent pas ce niveau (la moyenne de l’OCDE est de 49 %) ce qui la place loin derrière le Japon (premier avec 28 %), la Suède (42 %) ou le Canada (49 %) et dénote une situation relativement problématique.
D’autant plus que parmi les groupes vulnérables, on retrouve : les personnes avec un faible niveau de scolarité, les personnes en situation de handicap, les personnes issues de l’immigration et les personnes vieillissantes. Pour cette dernière catégorie, il est intéressant de noter que quel que soit leur niveau, les compétences en littératie diminuent avec l’âge (à partir de 46 ans) et que 80% des personnes de 66 ans et plus se situent à niveau de littératie entre 1 et 2. Et comme nous allons le voir, ce qui est vrai pour la littératie s’applique également au sujet qui intéresse les participants de ce webinaire : la littératie en santé.
Lorsqu’il émerge dans les pays anglo-saxons, vers 1970, le concept de littératie en santé se rapporte alors à la capacité à déchiffrer le mode d’emploi d’un traitement médical. Mais pour Cécile Allaire, chargée des questions de littératie et d’accès à l’information à Santé publique France, « le concept est beaucoup plus large maintenant ». La littératie en santé, de nos jours, représente la connaissance, les compétences, la motivation et la capacité à repérer, comprendre, évaluer et utiliser des informations sur la santé. Un niveau de littératie convenable permet une meilleure prise de décision dans des contextes de soins, de prévention des maladies et de la promotion de la santé pour maintenir ou améliorer la qualité de vie.
Seulement, d’après une étude européenne effectuée sur huit pays (la France n’en fait pas partie), 12 % des adultes ont un niveau de littératie en santé inadéquat et 35 % ont un niveau problématique. « Le concept de littératie en santé nous fait prendre conscience qu’une partie beaucoup plus importante de la population qu’on ne pensait peut avoir des difficultés pour s’approprier une information en santé puis l’appliquer pour se maintenir en bonne santé », souligne Cécile Allaire. Ces études indiquent qu’un faible niveau en littératie en santé entraîne des difficultés pour naviguer dans le système de santé, accéder à ses droits, compléter des formulaires, interagir avec les professionnels de santé et comprendre des notions de probabilité, de risques.
Le lien entre les compétences en littératie en santé et les comportements de santé, voire même l’état de santé, étant clairement démontré, se pose alors la question sur les actions à mener sur la littératie en santé.
« C’est aux acteurs et à la société de s’en emparer et de s’adresser de façon plus efficace aux populations visées », continue Cécile Allaire. La responsabilité est collective puisqu’il s’agit d’augmenter les compétences individuelles et les compétences des organisations pour prendre en compte les besoins de leurs publics. Pour un organisme comme la MSA, intégrer la littératie dans le cadre de ses actions est devenu primordial. Cependant, en France, c’est un domaine émergent. Et il n’est pas toujours facile de trouver les bonnes réponses aux questions essentielles : comment communiquer pour tous ? Comment impliquer les bénéficiaires ? Le dispositif est-il pertinent ? Comment former et informer ?
Un guide pour une information accessible
Émergent ne voulant pas dire inexistant, la littératie en santé fait tout de même l’objet de nombreuses études. Un Réseau francophone de recherche en littératie en santé (RéFLiS) porté par l’Inserm et soutenu par Santé publique France, est en train de se structurer, et de nombreuses publications sont rédigées à travers le monde. Ne restait plus qu’à les compiler. Sous la direction de Cécile Allaire et Julie Ruel, soutenu par la CNSA et en coopération avec l’Université du Québec en Outaouais et la Chaire interdisciplinaire de recherche en littératie et inclusion, est né : Communiquer pour tous. Guide pour une information accessible.
Accessible en ligne, ce référentiel rassemble articles internationaux et recommandations qui peuvent servir d’outil à toutes les personnes qui veulent concevoir des informations plus accessibles pour le plus grand nombre. Que ce soit pour la conception de documents imprimés, la conception et l’utilisation d’images, la conception de sites web et de supports numériques ou encore la communication orale, ce guide est le premier pas obligatoire pour acquérir les bons réflexes.
Par exemple, pour l’aspect visuel d’un document, l’énumération verticale est préconisée, tout comme l’utilisation d’un langage clair et simple. Du choix de la police d’écriture, en passant par le choix des mots employés ou de l’image à associer à un texte, les règles de base permettant de rendre une information accessible y sont listées.
Le dernier chapitre, intitulé « Comment devenir une organisation pro-littératie », intéressera particulièrement les organisations comme la MSA qui y trouveront l’essentiel des recommandations pour adopter une stratégie « pro-littératie ». Si, avec la mise en place d’un dispositif pour les actions intitulé « information en santé », la MSA s’est engagée sur cette voie, Cécile Allaire conclut sur l’importance de l’échange, d’un accompagnement au long court, de la sensibilisation et de la formation des équipes par une personne interne ou externe.