L’eau détruit tout sur son passage
Du jamais-vu depuis 1999 : un trimestre de pluie en quelques heures, 204 communes du département (sur 436) reconnues en état de catastrophe naturelle, 1 000 personnes sans logement, des milliers de véhicules détruits et 1 200 exploitations touchées. Des maisons sont inhabitables ; beaucoup de familles ont tout perdu.
« Toute cette eau passe quoi qu’il arrive, quoi qu’on fasse. C’est impressionnant. De mémoire d’homme, on a rarement vu ça, affirme Claude Bertolotti, président de la MSA Grand Sud. On a passé plus d’une journée à sortir des voitures de la rivière. Les maires et les employés municipaux ont travaillé jours et nuits. »
« Après un tel événement, au début, on est dans l’urgence. La première préoccupation est de nettoyer, raconte Frédérique Thomas, responsable du service d’action sanitaire et sociale de la MSA. L’organisation se fait spontanément. Après quinze jours, nous avons contacté les mairies pour tenir des permanences et informer nos adhérents. »
Le dispositif d’aides
Trois numéros de téléphone ont été communiqués aux adhérents : pour le service d’action sanitaire et sociale, le service recouvrement et l’accueil téléphonique pour les pertes de documents administratifs. Les sinistrés qui se sont signalés ont été rappelés par le travailleur social du secteur : un rendez-vous a été pris et l’accompagnement a suivi. Depuis début décembre, les travailleurs sociaux assurent une permanence une fois par semaine, sur rendez-vous, dans les mairies des communes les plus touchées, comme à Villegailhenc, où 500 maisons sur 860 ont été endommagées.
La solidarité s’est organisée sur tout le territoire et au-delà. La caisse centrale de la MSA a octroyé une dotation exceptionnelle de première urgence à la MSA Grand Sud, en complément des contributions de l’État et de la préfecture (229 foyers bénéficiaires). Cinq MSA (Alpes Vaucluse, Charentes, Dordogne, Lot et Garonne, Loire-Atlantique – Vendée et Midi-Pyrénées Sud) se sont associées à ces mesures. L’association Aude Solidarité, créée en 1988 et très active en 1999, réunit, encore aujourd’hui, les acteurs, centralise les dons et permet ainsi d’optimiser l’emploi des aides.
1 200 exploitations ont constitué un dossier de calamité agricole
L’Association audoise des agriculteurs sinistrés, mise en place en 1999 sous l’impulsion du syndicat des vignerons, de la chambre d’agriculture et de la MSA, a été réactivée. Des bus entiers d’agriculteurs volontaires de la région et même de plus loin sont venus aider à remettre en état les vignes. Cinq journées ont eu lieu, auxquelles le lycée agricole Charlemagne de Carcassonne a également participé. Le 21 décembre, 500 personnes ont fait le déplacement. Le 26 janvier, la solidarité s’étend des Bouches-du-Rhône à la Charente-Maritime en passant par le Var, la Bourgogne et la Champagne-Ardenne. Les conseillers de la chambre d’agriculture s’occupent des dossiers d’état de calamité agricole.
La MSA, tout comme la Caisse primaire d’assurance-maladie et la Carsat (caisse d’assurance retraite et de la santé au travail), ajuste les accompagnements sociaux individualisés. Des ressources complémentaires sont prévues pour le remplacement d’une voiture assurée au tiers, la réalisation de travaux non pris en charge par l’assurance, le rééquipement en matériel médical ou en électroménager, l’emploi d’une aide à domicile durant trois mois pour les retraités qui rentrent chez eux, etc. Une demande d’aide supplémentaire peut-être présentée à l’association Aude Solidarité.
Pour les exploitants agricoles, un échéancier des paiements peut être établi, l’accès à l’aide au répit facilité. Ils peuvent faire appel à la cellule des agriculteurs en difficulté pour obtenir des reports de cotisations ou une prise en compte des difficultés pour une demande de RSA, par exemple.
Écouter, épauler, soulager
« Outre l’aide financière, le premier travail reste l’écoute, assure Frédérique Thomas. Nous proposons un forfait pour cinq séances avec un psychologue. » « En 1999, nous avions constaté que le choc peut entraîner des pathologies sur le long terme, ajoute Claude Bertolotti. J’ai moi-même perdu des proches six mois après l’événement. » Une action « Partir pour rebondir » dans un centre AVMA (Association de vacances de la Mutualité agricole) sera mise en place en 2019 afin de permettre à ceux qui le souhaitent de se ressourcer tout en bénéficiant d’entretiens avec des professionnels de santé.
« Un accompagnement sera proposé aux travailleurs sociaux qui le demandent, complète Frédérique Thomas. Être confronté tous les jours à la souffrance des gens qui racontent ce qu’ils ont vécu, ça laisse des images catastrophiques plein la tête. » L’Aude panse ses plaies mais la cicatrisation sera longue.
« Comme en 1999, il y a eu une grande solidarité dans les villages. »
« En tant qu’élue, je coordonne et supervise les actions et les aides entreprises par la MSA, avec l’appui du comité paritaire d’action sanitaire et sociale. Avec un tel événement, je regarde les dossiers encore plus en détail et suis plus vigilante car je me sens concernée par le bien-être de nos ressortissants.
Je commence à bien les connaître. Certaines personnes n’ont pas accepté d’être relogées, pensant que la situation ne durerait qu’un ou deux mois… Mais l’urgence peut durer trois mois ou plus. Je représente aussi la MSA au sein de l’Association audoise des agriculteurs sinistrés. Cela me permet d’avoir une vue globale des dégâts.
Les journées de solidarité, de la chambre d’agriculture, ont beaucoup aidé. Cela nécessite une importante organisation. Les trois premiers cars sont arrivés depuis l’Hérault le 26 novembre dans la vallée du Lauquet. Certains exploitants n’ont pas attendu pour travailler et se sont épuisés à nettoyer leurs vignes tous seuls. C’est un travail de titan. »
« Certains commencent seulement à réaliser le traumatisme qu’ils ont vécu. »
« J’ai rencontré un monsieur âgé qui a vu sa femme être emportée par les eaux. Il est resté accroché pendant quatre heures et a failli lâcher prise. Je suis très vigilante sur le besoin de soutien psychologique car je redoute les conséquences dans les mois à venir. J’essaie de les aider en leur conseillant de ne pas garder pour eux ce qu’ils ressentent, sinon c’est le corps qui va parler. Comme ce salarié agricole qui a fait un malaise cardiaque huit jours après les inondations.
J’ai déjà traité plusieurs dizaines de dossiers mais on n’en est qu’au début, les demandes affluent. Un exploitant a perdu tout son matériel agricole dans un abri non assuré ; il en a pour 9 000 € de dommages. Nous devons également anticiper les répercussions économiques à venir. Certains ont dû arracher plusieurs hectares de vignes, ce qui engendrera une baisse de leur prochaine récolte. »
« On s’occupe à la fois de la partie famille et professionnelle »
« Des personnes âgées sont restées toute la nuit pour éviter un maximum à l’eau de rentrer et ont dû être hospitalisés le lendemain. Ceux qui sont restés chez eux ensuite, s’installant souvent à l’étage, vivent au quotidien avec les dégâts, les odeurs, l’humidité, les travaux ou voient leur logement se dégrader. Ce n’est pas facile.
Certaines caves particulières ont été inondées et des analyses doivent être effectuées pour vérifier si le vin a été contaminé. C’est notre particularité, on s’occupe à la fois de la partie famille et professionnelle. Les sinistrés nous racontent aussi le gros travail d’accueil, d’information, de soutien des collectivités locales, au niveau scolaire pour les enfants, et l’entraide générale. »