Quels sont les principaux défis et perspectives de votre mandat de présidente de la Commission de l’action mutualiste (CAM) de la CCMSA ?
Nos principaux défis sont inscrits dans le plan stratégique de la MSA : consolider le rôle et la place des élus, qu’ils soient salariés ou non-salariés, les rendre utiles et visibles auprès des adhérents et des partenaires locaux. Ils sont la plus-value de notre régime professionnel, ils assurent un lien de proximité et humanisent le service aux populations. Nous avons des délégués engagés et investis, qui ont une fibre sociale et ne demandent qu’à être utile. Alors mobilisons-les !
Avec les membres de la CAM, nous souhaitons un début de mandat rassembleur qui intègre les nouveaux élus et permette aux délégués de bien connaître la MSA. C’est un moment déterminant pour lancer une dynamique. Le but est qu’ils comprennent l’importance de leur mission, qu’ils se sentent appartenir à un réseau et qu’ils constituent un collectif qui leur donnera les moyens d’agir efficacement car les besoins des territoires ruraux sont nombreux.
Pour y parvenir, nous devrons aller chercher de nouveaux partenaires, taper aux portes des organisations professionnelles agricoles, des collectivités territoriales, des Caisses d’allocations familiales (CAF) et des Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), des diverses associations… de tout ce tissu local qui permettra de réaliser des projets communs au bénéfice des populations rurales. Nous devons également réussir à renforcer le lien avec les adhérents et la profession agricole. Le plan stratégique MSA 2030 porte l’ambition d’une démarche proactive, le « Aller vers ». Les délégués y ont toute leur place aux côtés des travailleurs sociaux, des conseillers ou des préventeurs de la MSA afin de repérer, apporter un soutien et aller au- devant des adhérents. Les élections leur donnent cette légitimité, mais cela ne se sait pas assez. Ils sont pourtant présents sur le terrain.
Leur action fait-elle la différence ?
Oui. Par exemple, dans le Nord et le Pas-de-Calais au moment des inondations, ils ont aidé à reloger des familles sinistrées, à déplacer le bétail, apporté un soutien psychologique et un accompagnement aux démarches administratives… Autre exemple récent : des délégués ont contacté les éleveurs potentiellement touchés par la fièvre catarrhale ovine pour faire connaître l’accompagnement proposé par la MSA. C’est du sur-mesure car chaque situation est différente.
Néanmoins, nous ne pourrons pas faire vivre le mutualisme et ses ambitions sans des moyens dédiés. La démocratie, lorsqu’elle permet de renforcer l’action sur les territoires, a un coût. Même si tous nos élus sont bénévoles, il est nécessaire de leur permettre d’exercer leur mandat dans de bonnes conditions. Ils sont essentiels pour la MSA et les territoires, il sera important que la prochaine Convention d’objectifs et de gestion signée avec l’État les reconnaisse et les valorise.
On se dit presque tout
- Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mes cinq enfants (trois garçons de 10, 15 et 18 ans et des jumelles de 8 ans) qui me donnent l’énergie ! - Quelles valeurs vous guident dans votre engagement ?
La solidarité, le travail, le respect et le collectif. Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. - Quels sont vos plaisirs favoris ?
J’aime la nature, faire le tour de mes limousines au milieu des beaux paysages aveyronnais, et j’aime aussi la bonne gastronomie et danser !
Quel bilan faites-vous des cinq dernières années ?
De belles choses ont été menées pour nos délégués, comme le lancement de l’action commune en octobre 2022, sur le thème de l’alimentation, avec 350 actions, 20 000 participants et 2 570 élus impliqués. Le mois d’octobre est ainsi devenu leur moment, un temps de mobilisation commun à toutes les caisses de MSA qui crée un sentiment d’appartenance et fait la promotion de leurs actions. Tout au long de l’année, ils s’impliquent et réalisent plus de 2 000 actions sur des sujets agricoles et de société très divers, que l’on valorise depuis deux ans sur le site web dédié elusterritoires.msa.fr.
Mais démarrer le mandat avec le Covid a été un vrai coup dur car les réunions des échelons locaux n’ont pas pu se tenir. Cette expérience nous conforte sur l’importance de créer un lien dès le début du mandat en faisant connaissance et en partageant des moments conviviaux.
Sur mon territoire, une action m’a particulièrement marquée : la création de la pièce de théâtre Le Battement d’aile du papillon par la troupe En compagnie des Oliviers. Des professionnels de santé nous ont alertés de l’augmentation des accidents de travail, maladies professionnelles et de l’épuisement des agriculteurs. Les délégués ont alors travaillé avec les travailleurs sociaux et préventeurs de la MSA pour déterminer l’action à engager. Nous avons retenu l’idée d’une sensibilisation ludique par le théâtre. Le metteur en scène a écrit son scénario à partir de nombreux témoignages. Avec 200 personnes présentes, la soirée a été un succès. C’est un bel exemple de ce que l’on peut faire collectivement, en valorisant notre guichet unique.
Comment a évolué votre perception du rôle des délégués et du mutualisme MSA depuis 2005 ?
Au départ, je ne connaissais la MSA que par l’affiliation. Je n’avais jamais entendu le mot « mutualisme ». À la fin de mon premier mandat, j’ai voulu arrêter. Mais Jacques Bernat, ancien président de la MSA Midi-Pyrénées Nord, m’a convaincue en 2010 d’intégrer le conseil d’administration. Aujourd’hui, je ne regrette pas car la MSA a une histoire et des valeurs qu’il nous appartient de poursuivre et de transmettre. Celles d’agriculteurs qui se sont regroupés pour lutter contre des aléas dans un esprit de solidarité avant la création de la Sécurité sociale. Nos prédécesseurs ont œuvré pour développer la protection sociale agricole. J’ai une pensée plus particulière pour André Laur, président de la CCMSA de 1974 à 1992, une figure aveyronnaise qui a marqué son époque.
Désormais, je ne conçois pas la MSA sans ses délégués, sans ces valeurs fondamentales de solidarité, de responsabilité et de démocratie qui sont notre ADN. Le délégué est un acteur indispensable du territoire. Il connaît les habitants, leurs besoins, il fait le lien avec la population. Il est à leur écoute et leur apporte un soutien, à l’image de notre réseau de Sentinelles, dont je fais partie, qui aide au repérage du mal-être agricole.
Le renouvellement des générations, c’est tout l’enjeu des prochaines élections ?
La priorité, qui se joue en ce moment-même, est d’avoir des candidats, titulaires et suppléants, des trois collèges sur tous les territoires. Il ne faut pas de zone blanche. Et il est bien sûr important d’adapter notre mutualisme aux nouvelles générations, aux nouveaux profils. Pour cela, nous devons écouter leurs attentes et bien sûr leur laisser la place, leur donner des responsabilités ; il faut leur faire confiance, sans oublier d’expliquer qui nous sommes, ce que nous faisons.
Le deuxième enjeu majeur est la mobilisation pour les élections. Il faut aller chercher les voix en communiquant mais aussi en allant à la rencontre de nos partenaires et des entreprises affiliées au régime agricole. Il est important de réexpliquer constamment ce que fait la MSA, d’où l’on vient, les avantages d’avoir une protection sociale spécifique au monde agricole et qui fonctionne en guichet unique.
Une forte mobilisation montrant l’attachement des adhérents à notre régime de protection sociale est indispensable et sera un atout indéniable dans la préparation de la prochaine convention d’objectifs et de gestion avec l’État. C’est d’autant plus important que pour apporter des réponses à nos adhérents et un service de qualité, nos moyens humains et de fonctionnement doivent être à la hauteur de nos ambitions.
Engagée pour les femmes du monde agricole
« Grâce à des femmes fortes, comme Jeannette Gros, notre place a évolué. Mais il y a encore du chemin à parcourir. Nous sommes en 2025, et des agricultrices s’entendent encore dire « Il est où le patron ? » ! J’en ai personnellement fait l’expérience. Il y a également un vrai manque de reconnaissance et de représentativité dans les conseils d’administration et les postes à responsabilité des organismes professionnels agricoles.
Certaines n’osent pas s’engager par crainte de ne pas être à la hauteur. Il est nécessaire de tendre la main à ces femmes, les rassurer sur leurs compétences et les aider à s’affirmer pour qu’elles prennent toute leur place. C’est pour cela que j’ai participé à la rédaction du Livre blanc de la MSA. Nous avons porté 15 propositions notamment sur la problématique des agricultrices sans statut, les spécificités en matière de santé et sécurité au travail, la conciliation de la vie professionnelle et personnelle… Désormais, nous allons les reprendre une par une afin de les concrétiser. Et le combat est pour les exploitants mais aussi pour les salariées de l’agriculture, ne l’oublions pas ! »
