Dans le contrat de travail signé avec le service de remplacement, il a précisé qu’il ne travaillerait pas en période de vacances scolaires parce qu’il veut garder du temps pour s’occuper de ses deux petits garçons. C’est la condition posée en préambule à l’accord. Ses enfants sont une priorité dans sa vie. Et ce besoin-la, le service de remplacement représenté par sa directrice, Delphine Grimbert, l’a entendu. 

La polyvalence : mission difficile

Comme Obélix tombé dans le chaudron de la potion magique quand il était petit, Ludovic Lacoche est né dans le métier de l’élevage. Conséquence : son savoir-faire semble une seconde nature, différent de celui qu’on forge au cours d’un long apprentissage à l’école ou en centre de formations. « Je sais faire beaucoup de chose », avance-t-il timidement et modestement. Dans ses missions de remplacement, il prend plaisir à découvrir d’autres méthodes de travail. Grâce à ses compétences quasi innées, il arrive à s’adapter. « On change tout le temps. On ne sait jamais sur qui on tombe. Il faut être ultra compétent, savoir tout faire. Chaque exploitant a sa façon de travailler. En son absence, il faut réussir à reproduire cette méthode à l’identique. Si jamais il y a un souci, il faut savoir gérer et ne pas déranger la personne au repos. Alors on se débrouille pour ne pas l’importuner. Des fois, on n’y arrive pas et c’est la faute à pas de chance. »

Le plaisir du changement

Il sourit en évoquant ces moments de solitude où il est confronté à des pannes improbables de machines. Il l’appelle la malchance du remplaçant. « Elles ne se produisent que parce que c’est nous [Entendez : nous les remplaçants, NDLR]. C’est qu’on n’a pas de chance. Je ne travaille pas toujours chez les mêmes. Parfois il y a de nouveaux agriculteurs, ce qui m’épate. Cela fait cinq ans que je suis au service Thiérache-Hainaut (SR TH) et je tombe toujours encore sur des exploitants chez qui je ne suis jamais passé. J’interviens sur un rayon de 20 à 30 kilomètres autour de ma maison [dans le sud du département du Nord, NDLR]. Je m’occupe des astreintes de la traite le matin et le soir. Il m’arrive de gérer l’entretien des parcelles, l’épandage avec le tracteur. La diversité des tâches aide à se changer les idées. Être toujours dans la même chose, ce n’est pas plaisant. Cela devient à la longue monotone. »

Des tracteurs pour se souvenir

Ludovic Lacoche ne veut plus redevenir exploitant. Il a tiré un trait définitif sur ce passé. Ce n’est pas lié à une prétendue pénibilité de l’activité de traite, loin de là. « C’est rien pour un exploitant. Mais ce sont les papiers qui découragent. Ça mine le cerveau. C’est un souci immense. On est tout le temps sollicité par la paperasse, les normes et les contrôles. C’est à cause de cela qu’il y a beaucoup d’exploitations qui s’arrêtent ou que les personnes se suicident. De cela, on n’en parle pas assez. »

Pour garder un lien avec son passé d’éleveur, il a « conservé deux tracteurs pour bricoler, avoue-t-il dans un large sourire, le seul depuis le début de l’échange. C’est plus fort que moi. Il y en a un que je prends de temps en temps pour garder contact avec mon origine. J’ai un petit terrain. Et ça amuse mes deux fils. Le plus petit sera un futur conducteur de tracteur. Il a un tracteur dans le ventre. »