La Villenière. Le nom de la boucherie de Christelle Galiazzo, en plein cœur de Romainville, en Seine-Saint-Denis, est chargé d’histoire. Ce nom, c’est celui de l’exploitation agricole de ses grands-parents, qui étaient éleveurs de vaches laitières dans le sud de la Manche. Elle y a passé toute son enfance et y a appris à aimer la viande, celle que l’on élève à la ferme et que l’on déguste pendant les repas en famille.
Ses souvenirs sont intacts : « L’instant où l’on tue l’animal, l’odeur de la peau qu’on brûle au chalumeau et qu’on passe à la paille pour retirer les poils, la préparation des boyaux… toutes ces choses m’ont marquée », se remémore-t-elle. L’abattage, la découpe, la préparation ont accompagné sa jeunesse.
À 44 ans, elle devient bouchère
Des images qui ne l’ont jamais quittée. Et pourtant, ce n’est que bien plus tard, après avoir travaillé 17 ans dans le secteur de la bijouterie en tant que chargée de clientèle, que la révélation s’est faite : elle deviendra bouchère. À 44 ans, après avoir eu son premier enfant, elle décide de changer de cap et effectue une reconversion.
« C’est mon compagnon qui m’a dit en plaisantant : la boucherie de Romainville ferme, tu n’as qu’à la reprendre, tu as toujours rêvé de faire ce métier ! » Ça a fait tilt. Le soir-même, Christelle échafaudait son plan pour réaliser son rêve d’enfant. « Quand j’étais petite, je disais déjà à ma grand-mère que je serais bouchère ou cuisinière. Elle m’avait répondu que “boucher est un métier d’homme ! Tu seras, au mieux, femme de boucher”. Moi, je me disais mais pourquoi ? »
Pousser les filles vers ce métier ne semble pas faire partie des mœurs de l’époque. Avec un faible pourcentage de femmes dans le métier, il n’est pas étonnant que ce type de discours l’ait touchée, voire incitée à envisager une autre voie.
Quand elle a débuté sa formation, le fait d’être une femme n’a cependant pas été un problème. « Je pense même que ça m’a servie. J’étais peut-être mieux considérée en tant que femme qui reprend un métier aussi dur que si j’avais été un homme », note-t-elle. Après un an d’apprentissage, certificat de qualification professionnelle Technicien boucher artisanal en poche, et un CAP, elle ouvre La Villenière, redonnant au passage un coup de boost dans les commerces du coin.
Relation de confiance avec les producteurs
Elles viennent du Cantal, du Limousin ou encore de Normandie. Ses viandes sont sélectionnées avec soin. « Je veux proposer un produit que j’aimerais trouver dans mon assiette », explique-t-elle.
Pour elle, c’est ça la boucherie : de la qualité et un juste prix pour ses producteurs. Elle tient à cette relation de confiance. « Je ne négocie jamais avec eux. Je n’ai pas mon mot à dire sur l’investissement que l’éleveur pense devoir récupérer. » Pour sélectionner les morceaux, elle travaille avec des groupements d’éleveurs.
« Les maquignons1 vont dans les fermes et sélectionnent les bêtes, les palpent, analysent la hauteur de membres… C’est un vrai métier. » Et elle prend le meilleur : « Les porcs que l’on achète dans le Cantal sont fermiers. Ils passent un an en moyenne en plein air. Les porcelets vivent avec leurs mères. » Quant à l’agneau, de Normandie et Loire- Atlantique, il est bio. Le bœuf vient de petits abattoirs du Limousin.
Cette manière de travailler contribue aussi à la pérennité des élevages et à une meilleure valorisation des produits français. Aujourd’hui, la boucherie cartonne. Avec quatre salariés, elle peine d’ailleurs à recruter. « C’est un métier méconnu, déplore-t-elle. On manque de personnes qualifiées. »
Alors, boucher, un métier d’avenir ?
(1) Les maquignons ou marchands de bestiaux font le lien entre les éleveurs et les transformateurs de viande (abattoirs, boucheries, etc.).
Dates clés
- 1978 : Naissance à Vire (Calvados)
- 2018 : Début de sa reconversion
- 2020 : Ouverture de la boucherie à Romainville