Simulateurs de pilotage, programmes numériques de coupes sur mesure, automatisation des machines de taillages… Loin de l’image d’Épinal du scieur débitant d’énormes troncs à la force des bras, ce métier est en pleine mutation. C’est en visitant un établissement scolaire entièrement dédié aux professions de la forêt que l’on perçoit cette métamorphose. En la matière, celui d’Envermeu, commune de 1 900 habitants de Seine-Maritime, envoie du bois.

Une scierie intégrée au lycée

Niché sur les bords boisés de l’Eaulne, le lycée des métiers du bois accueille des apprenants de la 4e au BTS. « Nos formations sont transversales. Elles vont de la protection de l’environnement aux métiers de la sylviculture et de la gestion forestière, en passant par la réalisation de charpentes et la conduite de projet », présente Jacques Gaschard, proviseur.

Ce qui fait la particularité des lieux, c’est la filière scierie, qui forme aux domaines de la première transformation du bois c’est-à-dire du sciage, de la gestion de parcs à grumes, des approvisionnements et du contrôle qualité. « Les élèves inscrits dans ce parcours sont dans le cœur du sujet, poursuit le responsable. Leurs travaux d’études sont réalisés dans des conditions réelles de travail, au sein d’une véritable scierie intégrée au lycée. »

Qualification 3.0

Cette dernière dispose d’équipements de pointe et digitaux, d’ateliers pédagogiques et technologiques. « Le métier est aujourd’hui à la fois manuel et connecté, souligne Julien Houzard, directeur de la scierie. Il faut connaître les outils numériques, comme les logiciels, la programmation et les paramétrages, autant que les outils motorisés. Cette polyvalence est la plus-value des diplômes que nous proposons sur le marché du travail. »

Jacques Gaschard, proviseur du lycée, et Julien Houzard, directeur de la scierie d’Envermeu.

Le site, qui s’approvisionne en bois à 95 % dans la région normande (principalement en douglas, mélèze et chêne), fonctionne comme une entreprise classique où artisans et particuliers passent commandes. À une différence près : les prestations de découpe à façon, de séchage ou de rabotage sont réalisées par des élèves en immersion. « L’objectif est de leur apprendre à effectuer des calibrages, à manier des appareils mais aussi à les réparer en cas de panne », intervient Francis Deboeuf, formateur.

« Travailler la matière, les planches et s’initier aux machines en gérant la production me plaît beaucoup », témoigne Malo Collet, 16 ans, élève de seconde Pilotage et maintenance d’installations automatisées (PMIA). « Nous avons tout le matériel spécifique et de précision à disposition, c’est chouette, complète son camarade Éthan Roos, 15 ans. À la scierie, notre planning est réparti entre sciage, câblage et affutage. L’autre moitié du temps, nous sommes en cours. »

En salle de classe, les notions de biologie végétale, d’écosystèmes et d’économie forestière sont enseignées. Pas de quoi rester de bois donc.

Malo Collet, 16 ans, a choisi la filière scierie par passion pour le travail de la matière brute qu’est le bois.

L’arbre qui cache la forêt

Les atouts du lycée public attirent au-delà des côtes normandes. Près de 230 élèves ont rejoint ses rangs cette année, dont 160 internes venant du quart nord-ouest du pays. « Les profils de scieurs, futurs techniciens scieurs et affûteurs sont très sollicités auprès des professionnels, évoque Jacques Gaschard. Il y a un réel manque de main-d’œuvre et la pénurie est forte. »

Pourquoi ? Parce que les métiers du bois sont « trop méconnus », que les « idées reçues sur la pénibilité » ont la vie dure et qu’il y a « un vieillissement global des salariés actuels » dans la filière, déclare sans langue de bois le proviseur. « Le besoin de personnel qualifié en scierie est tel que notre établissement ne peut pas répondre à toutes les demandes », affirme Julien Houzard.

« Dans ce secteur porteur, des postes sont en effet à pourvoir sur tout le territoire français ainsi qu’en Europe et en Amérique du Nord, comme au Québec qui s’est tourné vers le lycée pour recruter, explique l’équipe éducative. Nous promouvons la mobilité des jeunes, via le programme Erasmus, avec notamment des partenariats en Suède et en Europe de l’Est. Les stages en milieu professionnel font partie intégrante de la formation. Nous sommes aussi en lien avec des centres d’enseignements malgaches dans le cadre d’échanges internationaux. »

Des expériences à l’étranger dont profitent 20 à 30 % des lycéens seinomarins volontaires chaque année. Devenus rares, alliant tradition et modernité, les métiers du travail du bois demeurent un savoir-faire hautement recherché.

Deux simulateurs de pilotage de scierie permettent d’apprendre les rudiments de la gestion des machines.