« De mémoire d’anciens, jamais la maladie n’avait fait de tels dégâts… » Guillaume Sieurin, éleveur ovin à Vaulnaveys-le-Haut, en Isère, reste stupéfait par la vitesse avec laquelle la FCO a gagné son cheptel d’une centaine d’animaux, comme tout le reste du territoire français. Il a perdu 40 % de ses brebis laitières et « 20 % sont encore durement affectées, avec une incertitude sur leur capacité à produire du lait en 2025. » Comme lui, plusieurs milliers d’éleveurs se sont fait surprendre par la virulence de la maladie, entraînant des difficultés économiques et sociales.
Les vétérinaires débordés
Bien connue des bergers, la FCO peut provoquer hémorragies internes, œdèmes, fièvre et troubles respiratoires chez les ruminants. « Elle est transmise de manière biologique par des moucherons du genre culicoïdes, explique David Ngwa-Mbot, vétérinaire-conseil au GDS France, groupement de défense sanitaire, qui coordonne les principaux programmes nationaux de lutte contre les maladies d’intérêt économique. Ces derniers mois le virus a muté1 et rendu la situation délicate, poursuit le professionnel. Les lots de vaccins sont rapidement devenus insuffisants et les vétérinaires ont été débordés par les interventions. »
« La FCO était en quelque sorte en dormance depuis plusieurs années et le vaccin non obligatoire, résume Guillaume Sieurin. Sa résurgence a été fatale. Quatre jours après avoir été alertés de sa présence dans les alentours de notre ferme, nos moutons se sont mis à mourir les uns après les autres. Nous n’avons pas eu le temps de réagir. »
« Une fois la FCO présente, il est déjà trop tard »
Éleveuse à Veynes, dans les Hautes-Alpes, Marianna Briançon partage la même expérience. « Nous nous sommes trouvés démunis face à une épidémie qui nous paraissait lointaine, indique celle qui s’occupe de 200 ovins avec son père. Une fois la FCO présente dans le troupeau, il est déjà trop tard : certaines brebis meurent, d’autres résistent ou sont asymptomatiques. Chaque cas est différent. Tout ce que nous avons pu faire a été de rentrer les animaux dans la bergerie par prévention et créer une infirmerie pour accueillir ceux ayant besoin de soins. »
Comme eux, la plupart des agriculteurs ont agi avec les moyens du bord : solutions d’hydratation, aromathérapie, désinfection des locaux… Pour limiter l’extension de la maladie et préserver les échanges commerciaux, des zones dites « régulées » de restriction de mouvements ont progressivement vu le jour dans les départements.
Le ministère de l’Agriculture a annoncé le 18 novembre l’ouverture de guichets d’indemnisation aux éleveurs impactés. Ils sont destinés à régler le solde des pertes directes engendrées par la FCO-3, celles-ci étant éligibles au fonds d’urgence de 75 millions d’euros débloqué par l’État en faveur des élevages. Ceux liés à la FCO-8 doivent ouvrir début 2025.
Un soutien d’envergure
Les caisses de MSA mettent en place un certain nombre de mesures pour soutenir les éleveurs dont les animaux sont touchés par la FCO, mais aussi par la maladie hémorragique épizootique (MHE), autre virus qui infecte les bovins. Deux types d’aides sont proposés :
- Un accompagnement financier pour compenser les pertes et contribuer à prévenir les risques professionnels. Cela passe par la modulation des paiements des cotisations et contributions sociales personnelles, des échéanciers ou la possibilité de demander une remise des majorations de retard en commission de recours amiable.
- La MSA rappelle également l’importance du rôle de ses travailleurs sociaux pour aider les éleveurs à traverser cette période difficile : écoute, aides au répit (soutien psychologique avec un professionnel, aide au remplacement…) et aide au répit administratif.
Pour en savoir plus, rdv sur msa.fr
Des conséquences à long terme
« Le Gouvernement a également généralisé la gratuité des vaccins à l’ensemble du territoire, souligne David Ngwa-Mbot. Malgré toutes ces mesures, la maladie reste bien présente et il conviendra d’être prudent lors de la mise en pâturage et en estive. L’observation sera importante au printemps car la FCO peut engendrer des problèmes durant 12 mois : morbidités, infertilité, avortements ou pertes de production. » Des conséquences qui alimentent les craintes des bergers.
« Il y a en effet de nombreuses répercussions. Nous avons stoppé la traite de nos animaux plus tôt en saison, ainsi que la transformation et les livraisons. Sans compter les frais vétérinaires induits, fait part Guillaume Sieurin. De plus, nous devons reconstituer notre troupeau de brebis afin d’assurer la production laitière en 2025. » Comme plusieurs de leurs confrères en France, l’agriculteur isérois et ses deux associés ont ouvert une cagnotte en ligne et font appel à la générosité des contributeurs pour sortir la tête de l’eau. Fin novembre 2024, 7 666 foyers de FCO de sérotype 3 étaient recensés entre le département du Nord et celui de Corse-du-Sud.
(1) Deux variants touchent actuellement les élevages : la FCO de sérotype 3 et la FCO-8.
Nouveau : une aide matérielle
Un nouveau dispositif d’accompagnement à l’achat et l’utilisation de matériels de contention animale vient d’être annoncé. Il s’adresse aux exploitations de moins de 10 salariés affiliées à la MSA, touchées par la maladie hémorragique épizootique (MHE) et/ou la FCO, et qui ont investi ou souhaitent investir dans du matériel pour intervenir sur les animaux en toute sécurité, notamment pour réaliser des prises de sang et des vaccins. La MSA finance jusqu’à 3 000 €, couvrant 70 % du coût HT de l’investissement (sur facture ou facture d’acompte acquittée par le fournisseur).