En semaine, inutile de pousser la porte du 32, rue du Volga dans le 20e arrondissement de Paris avant 14 heures. Elle est close. Ce n’est pas que le propriétaire de la distillerie l’Alambic Parisien, Vincent Girodet, soit un lève-tard, mais il fait ses cueillettes. Fleurs et baies de sureau noir et fenouil sont récoltés sur les réservoirs d’eau de Charonne, le thym sur le toit de l’opéra Bastille. Menthe poivrée, verveine, mûres, framboises, groseilles à maquereau sont également recueillies sur les hauteurs de la capitale.

Un travail de passionné

Pour sa collection « Liqueurs des toits de Paris », la matière première provient exclusivement des fermes urbaines parisiennes. « Ce n’est pas parce que l’on est voisins que je bosse avec eux. C’est surtout parce qu’ils font un travail de qualité, de passionnés. » Tout comme lui. Les plantes, effeuillées l’après-midi même, seront distillées dès le lendemain. Elles révèleront ainsi leur fraîcheur et leurs arômes les plus subtils.

Quant aux fruits, récoltés durant tout l’été, ils partent ensuite en macération. Embouteillés, ils deviennent alors : Fleur de Charonne, Fenouillette de Ménilmontant, Farigoule, Sureau noir, Fraise ou encore Chlorophylle… ses créations.

La genèse de l’histoire

L’alambic, ce Parisien de 47 ans issu d’une famille bourguignonne d’hôteliers restaurateurs, le côtoie depuis sa tendre enfance. Ses grands-pères étaient bouilleurs de cru à leurs heures perdues. « J’en garde de nombreux souvenirs : on participait à mettre les fruits en fermentation, on tournicotait autour des fûts… C’est peut-être la genèse de l’histoire », se remémore-t-il.

Une madeleine de Proust dont les saveurs ressurgissent, à la fin des années 1990, lors d’un séjour d’un an en Écosse dans le cadre de sa formation hôtelière. « J’y ai vraiment découvert le whisky et j’en suis devenu passionné. »

La transition

La distillation le titille mais c’est le monde de la gastronomie française qui le happe à son retour en France. « J’ai eu la chance et l’opportunité de travailler auprès des grands notamment au Crillon et au Meurice. » Il y occupe différentes fonctions, en particulier dans l’événementiel jusqu’à des postes de direction. Il adore son métier mais… il lui manque quelque chose.

Sa passion ressurgit en 2010. Toujours en poste et sans projet spécifique, il part durant son temps libre en Bretagne, dans l’Hérault, le Cantal, en Haute-Marne à la rencontre de distillateurs qui lui transmettent leur savoir. « Initialement, c’est l’univers du whisky qui me motivait mais, au fil de ces rencontres en distillerie, j’ai appris à faire des eaux-de-vie de fruits, des liqueurs, du gin… »

La distillerie, une deuxième vie

Sa deuxième vie commence alors et il met à profit la période du Covid pour élaborer son projet : ouvrir une distillerie à Paris et ne travailler que les matières premières de la région. « Ce que je souhaite avant tout, c’est partager, transmettre et créer un pont entre les producteurs de la région parisienne, trop souvent oubliés, les fermes urbaines avec lesquelles je collabore, et les citadins », explique Vincent.

Si ce sont les producteurs parisiens qu’il met à l’honneur avec sa collection de liqueurs, sa gamme de spiritueux (un gin, deux whiskys, une eau-de-vie de poire, une liqueur de sureau et une de tomates) permet de parcourir l’Île-de-France : Pamfou en Seine-et-Marne pour la poire, le Val-d’Oise pour l’orge, les fleurs d’acacia ou les tomates, l’abbaye des Vaux de Cernay pour les fleurs de sureau…

Avec sa démarche visant à faire découvrir aux Parisiens les producteurs qui travaillent à leurs portes, Vincent s’inscrit parfaitement dans la thématique « Mieux comprendre l’agriculture pour mieux consommer » des Journées nationales de l’agriculture 2025 auxquelles il participe. Et il prouve aussi que, si l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, l’abus de passion, lui, ne l’est pas !