On se souvient encore d’une époque pas si reculée où le Dr Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes de France, tenait une chronique dans l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. Belle plume, zélé défenseur de l’hôpital public, l’un de ses anciens papiers connaît une popularité itérative sur les réseaux sociaux.

En 2012, il y brocarde joliment le tournoi de tennis de Roland-Garros : il établit un parallèle entre les effectifs des urgences de l’hôpital Ambroise-Paré et ceux présents pendant les internationaux de France, distants de quelques centaines de mètres. « […] Neuf chirurgiens traumatologues, huit urgentistes, neuf échographistes, deux radiologues IRM ainsi que trente-et-un kinésithérapeutes et vingt infirmières (sic) » contre « seulement deux urgentistes et deux internes, un radiologue (pour tous les examens), et sept infirmières et aides-soignants », un plan d’économie et 140 malades par jour aux urgences (1). Avantage : Roland-Garros ! 

Patrick Couillaud,
président de la MSA des Charentes


« Dès 2002, le conseil d’administration de l’association régionale des caisses de MSA Poitou-Charente valide cinq propositions pour promouvoir l’installation des professionnels de santé et faciliter l’accès aux soins en milieu rural : l’accompagnement dans la création des maisons de santé pluridisciplinaires et dans leurs missions de prévention, la valorisation de la télémédecine, la livraison de médicaments à domicile, la diversification des modes de rémunération des professionnels de santé, le développement des services de transport. Convaincue d’agir au plus près des territoires, grâce à son réseau d’élus entre autres, la MSA des Charentes souhaite mettre à disposition son appui logistique et technique, son expertise médico-administrative et le maillage de son territoire. En partenariat avec les acteurs départementaux et régionaux, en particulier l’ARS, les Cpam, les collectivités territoriales, les professionnels et les établissements de santé, pour garantir un accès aux soins coordonnés de qualité au public agricole mais aussi à la population dans sa globalité. »

Pour le Dr Jean-Marc de Lustrac, chef des urgences et du Samu de l’hôpital de Ruffec, en Charente, présent dans la salle ce 6 décembre, il est évident qu’il subsiste des trous dans la raquette. « Nous évoluons au sein d’un hôpital public. Nous assurons une des missions régaliennes de l’État, la santé. Nous drainons un bassin de population de 60 000 habitants en milieu rural. Or nous enregistrons un déficit de médecins : nous ne sommes que quatre pour faire tourner les urgences alors que devrions être douze ! Quand je regarde les mesures annoncées par le gouvernement, je me demande où sont nos urgentistes de demain ? » 

Un discours qui n’est pas sans rappeler des préoccupations historiques. Mais qui rassure au moins l’un des membres de l’audience, Jean-Michel Bolvin, président de l’association des maires de la Charente, sur un point : la présence de professionnels de santé dans les rangs ce matin-là. 

Petite devinette : que se racontent deux urgentistes quand ils se rencontrent ? Étonnamment, pas que des histoires d’urgences ! Thomas Mesnier, député et médecin urgentiste, répond à son confrère, le Dr Jean-Marc de Lustrac, par une reprise de volée mais sur le terrain de la coordination des soins.

L’un des axes de la loi Ma santé 2022, portée par l’actuel gouvernement, est de créer un collectif de soins qui associe les professionnels de santé de tous les métiers, les hôpitaux, les professionnels de ville et du secteur médico-social, au service des patients. Cela passe, notamment, par un objectif : 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) à l’horizon 2022.

Trente-six d’entre elles ont vu le jour en Nouvelle-Aquitaine. Elles visent à : faciliter l’accès à un médecin traitant, améliorer la prise en charge des soins non programmés en ville — c’est-à-dire répondre aux besoins de consultations en urgence — améliorer l’organisation des parcours complexes des patients (par exemple, favoriser autant que possible le maintien à domicile), et développer des actions de prévention (perte d’autonomie, obésité, violences intrafamiliales, etc.) (2)

L’alpha et l’oméga pour l’ARS, c’est de répondre à la fois aux besoins de la population et aux demandes des professionnels de santé. En matière d’exercice coordonné, nous comptons 170 MSP, dont 80 % en zones sous-denses. Un outil de prise en charge holistique dont nous sommes particulièrement fiers car il correspond à la fois aux besoins des uns et il donne envie aux jeunes générations de professionnels de s’installer en zone rurale. Pour ces dernières, une pierre supplémentaire à l’édifice soutenue par l’ARS — les centres de santé polyvalents — répond également à la demande émergente de salariat. Une dynamique à laquelle nous tenons beaucoup : nos 600 consultations avancées de spécialistes. La répartition des généralistes, et davantage celle des spécialistes, est très inégale sur le territoire. Nous savons à quel point que le retard dans l’accès aux spécialistes peut coûter très cher en termes curatifs. Près de 60 % des Ehpad sont équipés en télémédecine. »

Michel Laforcade, directeur général de l’ARS Nouvelle-Aquitaine 
Pour en savoir plus : lire le dossier de presse de septembre 2019, « Ma santé 2022 : quelle concrétisation en Nouvelle-Aquitaine ? » sur le site nouvelle-aquitaine.ars.sante.fr 

Pour le parlementaire, les CPTS et l’exercice coordonné de la médecine via les maisons de santé pluridisciplinaire (MSP) (3), entre autres, constituent une partie de la solution. Avec sa casquette de maire cette fois-ci, Jean-Marc de Lustrac monte au filet : « À Vars [quelque 2 100 habitants-NDR], nous avons monté une maison médicale pluridisciplinaire avec quatre jeunes médecins généralistes, deux infirmières et deux sages-femmes ».

Mais l’arbitre de chaise, Pascal Cormery, président de la CCMSA, met en garde : « Il y a une dizaine d’années, on construisait des bâtiments sans se soucier des souhaits des professionnels de santé ». Une maison de santé désertée pour repeupler les déserts médicaux !  

Pas de régulation des implantations

Dans ce domaine, la MSA adopte la technique du jeu en fond de court : elle continue de favoriser la présence des professionnels de santé sur les territoires ruraux. Elle soutient la création des MSP grâce à son ingénierie médico-sociale — comme le souligne le Dre Virginie De Sousa, médecin-conseil cheffe à la MSA du Limousin. Elle contribue au déploiement des CPTS : elle a ainsi accompagné la création de deux d’entre elles dans le Sud Eure-et-Loir et au Pays de Conflent (Pyrénées-Orientales). À ce jour, elle accompagne six projets.  

La MSA renforce l’organisation de son réseau pour atteindre ses objectifs en santé. « Au niveau des caisses, 35 chargés de développement territorial accompagnent les professionnels de santé dans la création de CPTS en concertation avec l’ARS et le régime général, explique François-Emmanuel Blanc, directeur général de la CCMSA. Ils sont appuyés par les médecins-conseils investis sur ces projets. Dans chaque association régionale de caisses de MSA, un agent de direction travaille en concertation avec la direction de la coordination de la gestion du risque de l’Assurance maladie et l’ARS pour accompagner les projets de coordination. »  

La MSA expérimente, à partir de 2020, le développement d’un projet de portail santé/social « La Boussole » qui poursuit l’ambition d’offrir une prestation gratuite et personnalisée de mise en relation des assurés avec les offreurs de soins et acteurs sociaux et médico-sociaux afin d’améliorer leurs parcours de prise en charge. Cette plateforme permettra un accompagnement complet de l’affilié tout au long de la vie dans son parcours de soins en facilitant la mise en relation coordonnée des services concernés sur son territoire de vie. Ainsi, chaque affilié trouvera les services les plus adaptés à sa situation. »

François-Emmanuel Blanc, directeur général de la CCMSA.

La balle est dans le camp des professionnels de santé. À qui Jean-Michel Bolvin, ex-chirurgien-dentiste, adresse un service lifté/kické. Un argument qui tombe pile sur la ligne blanche : « Avec tous les dispositifs mis en œuvre, les efforts phénoménaux du gouvernement, des ARS, les soutiens de tous les côtés pour les professionnels de santé, c’est le tonneau des Danaïdes ! J’aimerais instaurer un donnant-donnant assurant un retour sur investissement à l’État et aux collectivités territoriales. Je suis pour un numerus clausus dans certains départements surmédicalisés. » 40-A ! 

(1) À lire sur le site du journal Le Monde : bit.ly/2Fnu1Vx 
(2) Pour consulter l’ensemble des mesures de la loi Ma santé 2022 : solidarites-sante.gouv.fr 
(3) Le gouvernement envisage de doubler le nombre de ces structures en 5 ans.