Trente et quelques années passées à Isigny-le-Buat, une commune rurale de 3 200 habitants, à mi-distance entre Saint-Hilaire-du-Harcouët et Avranches, et à une trentaine de kilomètres du Mont-Saint-Michel, ça enracine solidement dans la terre manchoise. Lorsqu’un tel ancrage rencontre un tempérament généreux, porté naturellement vers les autres, cela donne une femme engagée, qui connaît sur le bout des doigts son territoire et les personnes qui y vivent. Et si le hasard se mêle de faire de cette femme-là une salariée agricole, alors tout est réuni pour qu’elle rejoigne le contingent actif des 13 760 élus bénévoles de la MSA, ces chantres de la ruralité qui œuvrent chaque jour en silence pour améliorer le quotidien de nos concitoyens sur leur lieu de vie. Ainsi s’écrit le destin de Chantal Cador, championne de l’engagement, qui aligne ces qualités dans l’humilité la plus désarmante.
L’Isignoise en est à son 3e mandat de déléguée auprès de la MSA Côtes Normandes, désignée au 2e collège sur le canton d’Isigny-le-Buat qui regroupe 27 communes. L’année où elle décide de donner « un peu d’elle-même », elle est encore en activité professionnelle au sein de la coopérative laitière Agrial, où elle s’occupe de la gestion des quotas de lait. Les raisons qui l’y poussent alors n’ont pas bougé d’un iota. « Hier comme aujourd’hui, dit-elle avec simplicité, j’aime écouter et être au service des autres. Je préfère donner. J’aime bien me rendre utile aussi. » Des traits de caractère qui ont des accents de profession de foi. « J’en retire un bénéfice personnel aussi parce que j’apprends plein de choses et je peux en informer les autres. » Chantal Cador, vous l’aurez compris, carbure aux liens avec les autres.
Elle obtient sa retraite en 2020, heureuse de cette nouvelle liberté qui la rend encore plus disponible pour son bénévolat, toujours en phase avec son besoin de se rendre utile pour ceux qui sont en difficulté. Grande nouveauté de son mandat de déléguée pour la MSA, cette année-là, elle siège aussi au CCAS de la municipalité d’Isigny-le-Buat, en tant que Madame Ruralité où elle retrouve chaque mois d’autres représentants de la société civile.
Pour ce nouveau rôle, elle bénéficie de l’accompagnement de la MSA qui lui fournit les outils et les formations nécessaires à l’appropriation de sa fonction. La jeune retraitée n’est pas dépaysée. Dans son monde, tout est harmonie. Le « allez vers » qu’elle applique dans le cadre de ses actions à la MSA, elle le décline sans difficulté pour le CCAS. Les initiatives déployées à l’échelle de la commune ou à celle du canton puisent à la même source, son regard qui s’échine à repérer et détecter les fêlures et les besoins.
Détecter les failles et les trains qui n’arrivent pas à l’heure
Les doutes, elle en a comme tout le monde. Comment ne pas se poser des questions devant des situations parfois contradictoires et un peu décourageantes ? Et de raconter la mésaventure d’une offre de formation aux outils informatiques qui ne trouve pas son public. Pourtant au départ, elle s’est assurée de tout. Les gens consultés en amont sur le projet en sont enthousiastes. Tous sont partants à ce moment-là. Une fois mis en place, l’atelier n’attire pas foule. La participation financière quasi symbolique (près de un euro) n’est pas en cause.
« Peut-être ont-ils eu peur. Peut-être, analyse-t-elle, faut-il dissiper ces appréhensions, lever les freins et les intéresser. » Chantal questionne son « aller vers ». Elle observe que son rôle va devoir composer avec les effets de la crise sanitaire sur les personnes : depuis quelques mois, la vie sociale est au repli sur soi. Le repas annuel des cheveux blancs, un moment convivial offert aux plus de 66 ans, l’illustre. N’ayant pu être organisé en présentiel, il est remplacé par des colis. Ce qui n’a rien à voir avec ces moments festifs collectifs de partage… Tout cela a été mis à l’arrêt.
Retrouver ce lien social d’avant la pandémie
Son travail dans les prochains jours si le virus veut bien prendre définitivement la porte, elle l’esquisse dans cette nécessité d’aller chercher les gens chez eux et de tenter de les mettre en confiance pour qu’ils renouent avec la vie sociale, les activités collectives que le CCAS ou la MSA peuvent initier dans leur environnement. La première difficulté à lever consistera donc à retrouver ce lien social d’avant la pandémie. Dans le même temps, juge-t-elle, la machine bénévolat doit reprendre du poil de la bête et se remettre en marche tous azimuts. Pour le moment, celle-ci n’a pas repris pleinement.
Trois questions…
Avez-vous eu peur du Covid ?
Comme tout le monde j’ai respecté les consignes et les confinements, mais cela ne m’a pas arrêté. Je vous ai dit : j’aime donner de ma personne.
Vous a-t-il gênée dans vos actions ?
Face à la menace du virus, les gens sont restés chez eux, enfermés, déprimés. Cela nous a coupés du monde. Mais cela a eu d’autres avantages. Nous avons appris à faire des visioconférences, à partager des choses par écrans interposés. Nous n’aurions jamais été si rapides dans l’acquisition de ces outils s’il n’y avait pas eu cette pandémie.
Il y a eu donc une vraie accélération dans la maîtrise des outils informatiques ?
Oui. Sans compter qu’avant les visioconférences se faisaient au niveau du canton. Maintenant ce n’est plus limité à l’échelon local. On peut bénéficier des expériences des autres échelons. Ça, c’est un bel atout.