Comment voyez-vous votre rôle ?
Le délégué est un relais, du terrain vers la MSA et vice-versa. En tant qu’administratrice, mon premier rôle est de représenter et porter les valeurs de la MSA à l’extérieur. Sur le territoire, mon travail consiste surtout à aider les personnes qui ont des soucis. Quand quelqu’un fait appel à moi, je note ses questions, ses problématiques, puis je transmets à la direction concernée avec son contact direct. Si après une semaine je n’ai pas de nouvelles, je me renseigne pour voir où ça en est.
Les services vétérinaires m’appellent parfois directement quand ils rencontrent une situation difficile, car je fais aussi partie du réseau Regain des Savoie. Nous sommes des sentinelles : si on détecte une situation fragile, on essaie d’aller à la rencontre de la personne, d’informer sur les aides possibles, côté économique à la chambre d’agriculture, côté social à la MSA. On fait comprendre que c’est bien sûr une démarche volontaire et que l’on ne fait rien sans accord.
Aujourd’hui, c’est devenu plus compliqué d’être alertés. Parfois, même des personnes que l’on connaît bien n’osent pas nous parler. C’est déstabilisant.
Comment s’est construite votre action d’accompagnement sur la prédation du loup ?
Je suis très investie sur l’action sanitaire et sociale, et ce thème s’y inscrit complètement.
À la fin de l’année 2016, lors d’une assemblée générale du syndicat des éleveurs ovins pour laquelle je représentais la MSA, j’entends parler de prédation. Ça m’a interloquée. On a alors créé un groupe avec des éleveurs pour comprendre ce qu’il se passait sur le terrain. Nous nous sommes réunis régulièrement depuis, avec le service de l’action sociale.
Nous avons créé ensemble, et en partenariat avec la direction départementale des Territoires, un livret : Une attaque vient de se produire, que faire ?, envoyé à 1 500 éleveurs (ovins, bovins ou caprins concernés par l’estive). On y trouve notamment des conseils et les numéros de téléphone de volontaires formés à l’écoute avec une psychologue. Nous avons également produit un film, La Montagne en sursis, qui rassemble des témoignages forts, et je représente la MSA à la commission nationale loup.
Quel est l’objectif ?
Les aider à surmonter leurs difficultés et préserver le métier d’éleveur, indispensable pour nos montagnes. Être auprès d’eux sur le volet de la santé et sécurité au travail. S’attaquer non pas aux causes, car ce n’est pas notre rôle, mais aux conséquences. Et il y a de gros dégâts. Ils ne se plaignent pas beaucoup, mais leur vie est difficile, leur métier a complètement changé.
Avant, l’été était pour eux une bonne période. Désormais, avec à peine cinq heures incomplètes de sommeil par nuit en moyenne, ils finissent les saisons épuisés. Les bergers prédatés ont l’impression de ne pas avoir bien fait leur travail et beaucoup s’en vont car c’est trop dur. Sans parler du traumatisme des attaques, qui touche tout l’entourage. Aujourd’hui le loup n’a plus peur de l’homme. J’ai eu à connaître le cas d’un jeune berger qui, après avoir subi plusieurs attaques, ne peut plus retourner en montagne sans en être malade… Et puis il y a les enfants. Certains en font des cauchemars.
Après 35 ans d’engagement à la MSA, comment envisagez-vous la suite ?
Notre action sur la prédation a été menée en Savoie, département le plus touché. Il faudrait maintenant l’étendre à d’autres départements. Je milite par ailleurs beaucoup pour le dépistage du cancer du sein, car il y a de moins en moins de radiologues sur les territoires.
Personnellement, je me réengage car c’est ma vie, je ne me vois pas arrêter tant que ma santé me le permet. Même si je n’avais rien demandé, quand je suis entrée à la MSA, ça m’a tellement intéressée que je m’y suis plongée corps et âme. Je me sens utile à quelque chose. Ça me permet d’avancer malgré les épreuves de la vie.