Un bûcheron à terre, inconscient, la jambe coincée sous un tronc d’arbre fraîchement coupé… L’enquête commence pour déterminer les causes de l’accident. Le scénario imaginé par les étudiants du brevet professionnel responsable de chantiers forestiers démarre sur une image forte, pour délivrer un message aussi simple qu’important : la sécurité est l’affaire de tous. D’autant plus dans ce métier très accidentogène. C’est peut-être ce qui a plu au jury composé de représentants de l’éducation nationale, de la CCMSA, de la branche accidents du travail/maladies professionnelles de la sécurité sociale et d’experts en risques professionnels.
Pointer les dangers, réduire les risques d’accident
Les cinq élèves du centre de formation par apprentissage agricole y mettent en avant l’utilisation de la fiche de chantier, très codifiée aujourd’hui, afin de mieux anticiper tout problème. Chaque membre de l’équipe est interrogé afin de se rendre compte des erreurs commises : pas de fiche, pas de vérification du matériel, pas de communication entre les membres de l’équipe… « On pensait que c’était une perte de temps », se justifie l‘un d’eux.
Avec le temps, j’ai appris que ça ne s’enseigne pas comme une simple discipline théorique. La perception de la sécurité évolue avec l’âge, l’expérience ; un jeune de 16 ans n’a pas la même conscience du risque qu’une personne de 40 ans. C’est un savoir-être.
– Didier Polanowski, directeur du CFA de Bellegarde
Déjà diplômés d’un CAP, les apprentis se sont inspirés de leur propre expérience. « Ils ont tous été amenés à voir ou entendre parler d’un accident. La forêt est un métier un peu particulier, et les professionnels avaient souvent l’impression de perdre leur temps en prévention, explique Florent Marquet, formateur en machinisme au CFA de Bellegarde. Mais la loi s’est renforcée et a mis en place l’obligation de remplir cette fiche pour tout chantier d’un certain volume. Il faut également faire une déclaration à l’inspection du travail, à la mairie, et le chef d’équipe doit en avoir un exemplaire avec lui.
L’objectif est de pointer les dangers possibles sur la parcelle où ils vont intervenir de manière à réduire le risque d’accident. C’est donc un message que nous devons porter, mais ce n’est pas forcément facile pour les jeunes d’en parler avec leur maître de stage ou d’apprentissage. C’est pour cela qu’on a voulu travailler ce thème. C’était en plus une opportunité pour eux d’apprendre sans faire cours, surtout pour des élèves qui n’aiment pas nécessairement l’école. »
« J’ai toujours pensé que le sujet principal de formation à ces métiers, c’est la sécurité, ajoute Didier Polanowski, directeur du CFA de Bellegarde, lui-même de formation forestière. Avec le temps, j’ai aussi appris que ça ne s’enseigne pas comme une simple discipline théorique. La perception de la sécurité évolue avec l’âge, l’expérience ; un jeune de 16 ans n’a pas la même conscience du risque qu’une personne de 40 ans. C’est un savoir-être. Et la pédagogie par l’erreur n’est pas une option. C’est donc un processus assez long. » D’autant plus que le secteur compte 11,3 % des accidents du travail mortels alors qu’il ne représente que 2 % des travailleurs agricoles.
Le projet, démarré en octobre et réalisé lors d’un chantier pédagogique sur une parcelle sans risque, est construit sous forme de saynètes. Après avoir tourné les scènes sur les mauvais comportements, les acteurs d’un jour ont analysé avec leurs formateurs quels devraient être les bons gestes, avant de poursuivre le tournage. La seconde partie de la vidéo montre ainsi ce qu’ils auraient dû faire afin de préparer leur chantier et s’assurer de meilleures conditions de travail.
Pour le directeur, « la fiche de chantier est l’outil qui permet de se poser les bonnes questions sur la sécurité à travers l‘organisation, les difficultés potentielles, les risques qu’on peut rencontrer. C’est l’occasion de les identifier et de faire passer le message de prévention. Et il faut dire que le titre de leur vidéo est simple mais très parlant ! Partir à 4, c’est bien, revenir à 4, c’est mieux ! : tout est dit. »
« Ils ont été très surpris d’avoir ce prix, assure Florent Marquet. Ce sujet leur a par ailleurs servi lors des épreuves orales, où ils sont amenés à parler de leur vécu de chantiers. Ils ont su citer tous les éléments abordés dans ce genre de situation : l’importance de se coordonner, de faire attention à ses collègues, de travailler à proximité, jamais isolé etc. Le message est passé sans effort, et ça c’est important. »
« On a quasiment réussi quand d’eux-mêmes, ils arrivent à s’emparer de leur sécurité, renchérit Didier Polanowski. À ce moment-là, on peut espérer que nos jeunes deviennent des passeurs sur le terrain, des personnes ressources. Cette récompense arrive après un fort investissement dans l’enseignement à la sécurité. On se dit alors qu’on n’a peut-être pas perdu notre temps et réussi à leur transmettre quelque chose ! »
Palmarès :
Cette année, une quarantaine de vidéos ont été déposées sur la page du concours et le jury a distingué exceptionnellement cinq productions :
• 1er prix : Partir à 4 ,c’est bien, revenir à 4, c’est mieux !, réalisé par le centre de formation des apprentis (CFA) agricole de Bellegarde (académie Orléans-Tours).
• 2e prix : Prise de conscience, du CFA chambre des métiers – Iform (académie de Caen) à propos des troubles musculosquelettiques (TMS) dans le métier de la coiffure.
• 3e prix : Pas de mission impossible, du lycée professionnel Raymond Néris (académie Martinique) sur la prévention des TMS grâce à une approche ergonomique.
• Prix coup de cœur : Écharpes vertes, tourné par le lycée Marie Curie (académie Clermont-Ferrand) montrant comment les employés du père Noël améliorent leurs conditions de travail.
• Mention spéciale pour le film Security challenge du lycée professionnel Marcellin Champagnat (vice-rectorat Nouvelle-Calédonie).