La cause des petites villes
8h : direction la cité du sapeur. Ce lundi matin 15 janvier, rendez-vous est donné près de l’unité de formation et de recherche des sciences de la santé, à l’université de Besançon. Il fait -12° Celsius à l’extérieur (c’est mon ressenti). Peut-être bien partagé car la centaine d’étudiants ne tardent pas à venir se blottir dans la chaleur enveloppante des bus affrétés pour cette journée d’Éduc’tour. Parmi eux : des internes de médecine générale et de futurs ergothérapeutes, infirmiers, orthophonistes, psychologues, sages-femmes, travailleurs sociaux, tous des élèves en fin d’études. Quatre destinations : Jussey et Vesoul, pour le Pays de Vesoul Val de Saône ; Lure et Luxeuil, pour le Pays des Vosges saônoises. Je monte dans l’un des véhicules qui part rayer la blanche campagne en direction de Lure, aussi appelée la cité du sapeur Camember. Ce personnage facétieux de bande dessinée a été imaginé par un joyeux Luron (gentilé de Lure), Georges Colomb.
9h30 : CPAM et Milo. Après les interventions, entre autres, du premier édile, Éric Houlley – « Je suis là pour vanter la cause des petites villes » – et de Christine Bouiller, responsable du pôle animation territoriale en santé de l’Asept Franche-Comté/Bourgogne – « Cette journée doit permettre de lever les représentations sur l’exercice professionnel en milieu rura » – c’est à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Haute-Saône, par la voix d’Émilie Lovy, et à la Mission locale (Milo), par celle de Patricia Roggy, d’ouvrir le bal. Les actions présentées font la part belle aux différentes manières de travailler ensemble pour les professionnels du soin.
Du côté de l’assurance maladie : campagnes de dépistage des cancers colorectal, du sein et de l’utérus; examens gratuits pour l’hygiène bucco‑dentaire M’T dents jusqu’à 24 ans; actions de prévention menées en partenariat avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) en crèche («1000 premiers jours»), en milieu scolaire, auprès des gens du voyage; ou plus ludique, animations d’un escape game «Sortez Amélie de là», autour de la santé des jeunes de 16 à 25 ans et de l’activation de leurs droits sociaux.
Du côté de la Mission locale (Milo) de Lure, Luxeuil‑les‑Bains et Champagney, qui traite la globalité de la classe d’âge des moins de 25 ans, autant dans le social que le sanitaire avec leurs partenaires : ateliers d’information sur le tabac et le sevrage tabagique, avec quiz et test de monoxyde de carbone; ateliers collectifs sur la santé sexuelle, avec des professionnels de santé du territoire (possibilité de prendre un rendez-vous individuel avec un psychologue ou une sage-femme); ateliers nutrition, sensibilisations aux addictions, etc.
9 à 12 % de la population vit dans un désert médical
10h45 : visite du camping-car. La matinée se poursuit par une présentation de la CPTS du Pays Luron. Une belle illustration de ces structures dont la vocation est notamment de favoriser les échanges et les nouvelles pratiques entre les différents professionnels de santé – comme les protocoles de collaboration pour décharger du temps médical et les nouveaux métiers, à l’instar des infirmiers en pratique avancée – et de maintenir une offre de soins pérenne par l’installation de nouveaux praticiens. Aurélie Troxler, commissaire à l’attractivité professionnelle du Département de Haute‑Saône, glisse quelques mots sur l’installation clé en main dans les Vosges saônoises. Un service de conciergerie gratuite pour trouver un logement et gérer l’administratif proposé aux étudiants et jeunes professionnels en santé. Claire Bourquin‑Amiri et Dr Claude Offroy, pour la CPTS, évoquent la création imminente d’une Maison des stagiaires en Pays Luron. Cette dernière devrait mettre à disposition trois logements meublés à loyers modérés.
Puis vient la visite du camping‑car aménagé en véhicule sanitaire dont s’est dotée la CPTS pour améliorer l’accès aux soins des usagers sur le territoire, dont les contrôles de glycémie. Le Pays luron montre en effet une prévalence inquiétante du diabète de type 2.
11h30 : Soleil d’or. La suite du programme : une présentation du pôle de santé, qui héberge la maison de santé pluriprofessionnelle du Soleil d’or et un centre de santé adossés au centre hospitalier. L’année dernière, l’action gym poussette, financée par la MSA de Franche-Comté dans le cadre de l’appel à projets « Grandir en milieu rural », a permis à des femmes post-partum de bénéficier d’un accompagnement dédié. Pour Élise Le Têtu, 24 ans, étudiante en master 1 psychologie cognitive et neuropsychologie, cette première approche lui convient bien. « Je suis réceptive à la prévention, aux interventions ciblées sur les différents publics et au dialogue entre les différents acteurs présentés par la Milo », confie‑t‑elle. Elle constate que sa formation, très théorique, ne lui apprend pas à dégoter un stage, ni à trouver du travail ou à s’installer.
Sa camarade Léa Danna, 22 ans, étudiante en master 1 clinique psychopathologique et clinique de la famille, établit un constat similaire : « C’est super dur de trouver des stages », explique‑t‑elle. Depuis octobre 2023, elle doit se rendre dans un centre de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) à… Lille ! Elle se déclare intéressée par la Maison des stagiaires et par les actions de la Milo dans les champs de la santé et de la vie sexuelle, et des addictions. Toutes les deux reconnaissent que leurs choix professionnels seront « davantage guidés par le métier que par le lieu d’exercice ».
Midi : du job en campagne. Pour Chloé Huber et Fanny Guyet, futures sages-femmes, le milieu rural, elles connaissent. Pour l’instant, les conditions d’exercice ne se posent pas trop car elles veulent débuter leurs carrières en milieu hospitalier. Mais elles découvrent avec plaisir que le bus (ou camping‑car) permet d’assurer un suivi gynécologique et que les sages-femmes peuvent également accomplir des missions de prévention en milieu scolaire.
Alexandra Rubiero, 23 ans, fait partie de la première promotion d’ergothérapeute de Besançon : elle se dit « ouverte pour s’installer en milieu rural, là où il y aura du job ». Enfin, Roxane Lods, 28 ans, interne de médecine générale, s’est déjà positionnée pour accomplir des vacations dans le camping‑car. « Je n’ai accompli aucun stage à Besançon mais la plupart à Lure et à Vesoul, indique‑t‑elle. En milieu rural, les gestes médicaux accomplis par le médecin traitant sont plus diversifiés car les patients ont moins accès aux spécialistes, tels que les pédiatres ou les gynécologues. »
14h : vers un beau lendemain. L’après-midi, les étudiants travaillent en groupes. Ils doivent bâtir un projet local de santé à partir de données démographiques, sanitaires et sociales sur des territoires ruraux. Le lendemain matin, ils présentent le fruit de leur réflexion au comité des sages, en amphithéâtre. Des projets inspirés qui reflètent tous l’appropriation, par les futurs professionnels de santé, des enjeux de la pluridisciplinarité, de leurs pratiques au profit de la qualité et de la pertinence des soins.
Séminaire « Apprendre à travailler ensemble »
L’Éduc’tour clôture le séminaire interprofessionnel « Apprendre à travailler ensemble » porté par l’association française pour le développement de l’éducation thérapeutique (Afdet). Il vise à permettre aux étudiants de rencontrer des professionnels de santé et du social en milieu rural et de découvrir l’exercice coordonné en action.
Il s’inscrit dans le cadre de contrats locaux de santé (CLS) conçus en partenariat avec l’agence régionale de santé (ARS) Bourgogne-Franche-Comté et de l’action « Médecine en campagne » menée par la MSA. Il est organisé avec l’appui de l’association santé éducation et prévention sur les territoires (Asept) Franche-Comté/ Bourgogne et Pays des Vosges saônoises et de Vesoul – Val de Saône.