Quels sont les grands événements institutionnels ayant marqué 2020 ?

Pascal Cormery (exploitant agricole en Indre-et-Loire, président de la MSA Berry-Touraine, il entame son second mandat à la tête de la CCMSA) : Nous avions rendez-vous en début d’année pour les élections MSA afin de renouveler les délégués qui vont représenter pour cinq ans les adhérents sur l’ensemble du territoire. Le processus s’est finalement étalé de janvier à novembre en raison de la crise sanitaire ; il s’est tenu dans le respect de nos valeurs démocratiques et mutualistes, même s’il a été atypique pour l’élection des conseils d’administration des caisses et le renouvellement du conseil central. Nous pouvons à ce titre nous féliciter d’avoir pu nous adapter à ce contexte si particulier pour aller jusqu’au terme de notre processus électoral.

Thierry Manten (salarié, premier vice-président de la MSA de Picardie et de la CCMSA) : Tous les ressortissants du monde agricole (salariés, exploitants agricoles, employeurs de main-d’œuvre, retraités…) étaient en effet appelés à élire leurs délégués cantonaux. La participation enregistrée à cette occasion légitime notre mode de fonctionnement électif. Elle nous engage aussi à poursuivre notre action aux services des territoires ruraux.

P. C. : Autre temps fort, la remise aux pouvoirs publics, lors du Salon international de l’agriculture, de notre livre blanc Cohésion des territoires, 20 propositions pour agir qui présente nos solutions pour contribuer à améliorer l’avenir et la cohésion sociale dans les territoires ruraux alors que beaucoup de gens ont notamment le sentiment d’être dépourvus de services publics.

T. M. : Ce livre blanc a été élaboré à la suite de réunions organisées dans quatre régions et parrainées par des parlementaires, sur les questions de dépendance, de retraites agricoles, d’accès aux soins et à la santé, d’accès aux services publics. Il s’inscrit dans le cadre d’une démarche destinée à porter l’offre stratégique de la MSA auprès des pouvoirs publics pour répondre aux enjeux de protection sociale du monde agricole et du devenir des territoires ruraux.

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Et en matière de réponse à la crise sanitaire ?

P. C. : Celle-ci nous a obligés à nous adapter très rapidement pour participer à l’effort commun de limitation de la propagation de l’épidémie de coronavirus, garantir la continuité du service public et le paiement des prestations, et mettre en oeuvre les mesures sociales et économiques exceptionnelles que la situation exigeait. La réactivité des équipes a été grande : nos services médicaux et de santé et sécurité au travail par exemple se sont immédiatement mobilisés pour accompagner salariés et employeurs sur le lieu de travail afin que ceux-ci puissent exercer leur activité en sécurité dans l’agriculture, secteur stratégique pour l’alimentation de la population.

T. M. : Nous avons aussi mené de nombreuses actions de solidarité en faveur des personnes isolées et fragiles. Notre capacité à agir a été facilitée par l’engagement citoyen de tous, en l’occurrence par la mobilisation des salariés, l’implication de nos travailleurs sociaux et par celle des élus de la MSA, qui font notre singularité mais aussi notre force, en cette période où la vigilance est de mise pour repérer les personnes en difficulté et ne laisser personne au bord de la route.

Quels sont les grands sujets d’actualité pour la protection sociale agricole ?

P. C. : La mise en œuvre de la loi relevant le minimum de pension de retraite agricole de 75 à 85 % du Smic net pour une carrière complète de chef d’exploitation, qui a été obtenue à l’échéance du 1er janvier 2022 au plus tard. Reste que, quelle que soit la réforme mise en place, les non-salariés agricoles continueront à l’avenir d’avoir une petite retraite si la question même des revenus agricoles n’évolue pas.

Autre réforme, celle de l’autonomie et du grand âge. La MSA a développé un savoir-faire important pour la préservation de l’autonomie des personnes âgées. Elle compte donc prendre toute sa part dans la création du cinquième risque, rester opérateur pour la population agricole, ne pas être marginalisée.

Sur quels points la MSA devra-t-elle être particulièrement vigilante dans les mois à venir ?

P. C. : La convention d’objectifs et de gestion (COG) que nous sommes en train de négocier avec les pouvoirs publics va déterminer le cadre de notre fonctionnement financier et humain pour les cinq années à venir. Différence par rapport aux COG précédentes, nous sommes arrivés avec une proposition de texte auprès des pouvoirs publics, qui prend en compte les enjeux du monde agricole et les besoins de proximité des territoires ruraux, au sein desquels il est essentiel de conserver des services.

Nous devons répondre aux attentes dans les périmètres qui nous incombent : protection sociale agricole et offre de services pour les populations rurales. Une offre de services que nous souhaitons d’ailleurs homogénéiser afin qu’elle soit plus lisible et mieux connue.

T. M. : Notre proposition pour la COG s’appuie notamment sur le plan stratégique MSA 2025, voté lors de l’assemblée générale 2019. Celui-ci a donné une feuille de route pour l’institution. Elle porte sur la garantie d’un service de qualité et homogène sur l’ensemble du territoire ; le développement des activités à destination des territoires ruraux et/ou fragilisés ; l’implication forte des élus ; le renforcement de la performance ; une nouvelle ambition en matière de ressources humaines. Il s’est depuis enrichi grâce aux travaux menés dans le cadre de la préparation de notre livre blanc. Nous partageons ainsi notre vision de l’avenir pour notre institution, pour nos ressortissants et affichons notre capacité à intervenir sur des territoires délaissés, à agir pour la ruralité. Notre engagement auprès de l’agence nationale de la cohésion des territoires pour le déploiement des France services en est une illustration.

P. C. : Un autre sujet de préoccupation concerne le mal-être et le suicide en agriculture. Une question complexe car il n’est pas évident de s’avouer qu’on est en difficulté et d’en parler. Le rapport Damaisin remis en fin d’année 2020 reconnaît le travail engagé par la MSA sur ce sujet délicat. Il nous faudra améliorer la détection de ces situations de mal-être et continuer d’expliquer à nos adhérents que nous avons une panoplie de solutions pour les aider. D’autant que les risques peuvent augmenter dans ce contexte de crise sanitaire, avec la montée en puissance du télétravail, certes essentiel pour assurer la continuité du service, la coupure des liens sociaux et l’isolement.

T. M. : L’approche est nécessairement partenariale, en lien avec les organisations professionnelles et plus généralement avec tous ceux qui sont proches des agriculteurs et de leurs salariés au quotidien afin de repérer des situations potentiellement inquiétantes.

Comment démarre le mandat des nouveaux élus ?

T. M. : Aujourd’hui, les échanges directs avec les autres élus nous manquent. Nous sommes confiants sur la pérennité du régime agricole grâce à notre savoir-faire, à notre présence affirmée sur les territoires et à tout ce que nous avons entrepris, avec la contribution de nombreux délégués, pendant la période de crise sanitaire pour l’accompagnement des populations agricoles et rurales. À nous de poursuivre cette mobilisation afin de soutenir au mieux les personnes les plus fragilisées par les conséquences sanitaires, économique et sociales de cette pandémie, et de proposer de nouvelles initiatives en fonction notamment des besoins que les élus pourront faire remonter.

P. C. : Le contexte nous contraint et nous affecte tous à titre personnel et professionnel. Il nous a conduits, au sein du régime agricole, à adapter nos façons de travailler et nos activités. Comme il ne nous est pas possible de nous rassembler, nous n’avons pu aller largement à la rencontre des délégués. Dans l’attente de pouvoir le faire, nous assurons une communication régulière auprès d’eux, notamment pour accueillir et informer les nouveaux. Beaucoup ont répondu présent lors des actions de solidarité que nous avons engagées tout au long de l’année 2020 avec des partenaires tels que l’association des maires ruraux de France, Solaal, le Secours populaire français… En cette période d’incertitudes, il est important de garder le moral et essentiel de mobiliser notre énergie collective pour continuer à initier des projets.

Photo : © Sylvain Cambon/CCMSA Image