Lorsque deux semaines après le confinement, la MSA de la Corse décide de faire don de vingt tablettes aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes de l’île (Ehpad), elle s’assure avant tout que ce cadeau ne soit pas empoisonné ou ne le devienne à l’usage. Derrière la distribution, se trouve la volonté de permettre aux résidents de communiquer avec leurs familles en visioconférence. L’initiative s’inscrit dans la continuité des actions engagées pour venir en aide aux populations les plus vulnérables [Voir Coups de fil amicaux aux agriculteurs en Corse].
Cette fois, l’élan de solidarité vise les résidents des Ehpad, très vite devenus des foyers épidémiques du Covid-19. Cristelle Cherchali, conseillère en prévention, le raconte : « Nous avons fait un constat : plus de possibilité de visite pour des personnes âgées confinées dans leurs chambres, une grande détresse à la fois des familles, des résidents des établissements mais aussi du personnel soignant, désarmé face au profond sentiment de solitude des personnes âgées. Nous avons appris qu’une mairie avait acheté une tablette pour un Ehpad et que cette action avait été positive. Du coup, nous nous sommes dit que nous pourrions dupliquer cette initiative. »
Les conseillers de la MSA ont contacté 28 Ehpad
Des précautions sont aussitôt prises par les conseillers de la MSA. Tout d’abord, les 28 maisons de retraite médicalisées de l’île sont toutes contactées. Les agents vérifient si les structures en possèdent déjà afin de pouvoir en donner à celles qui n’en ont pas. Ils s’assurent aussi que le personnel encadrant sait utiliser la tablette pour en faire bénéficier les personnes âgées. Dernier détail de poids contrôlé, le wi-fi. Car cela implique un abonnement. Or certains Ehpad n’en ont pas. « On est sur des Ehpad qui ont de faibles moyens financiers », souligne Cristelle Cherchali.
L’Ehpad de Porto-Vecchio
Ce que ne dément pas Isabelle Ducret, cadre de santé en charge de la gestion des lits, des personnes et des équipes de l’Ehpad de Porto-Vecchio, en plan bleu dès le 6 mars, en raison de la prolifération du coronavirus. Le manque de moyens, l’équipe en a souffert au début. L’établissement est rattaché au centre hospitalier de Bonifacio. Le cadre de santé raconte : « Il a fallu jongler, quémander, pleurer à droite et à gauche. Petit à petit, on a réussi à trouver du matériel. Au départ, je n’avais pas de masque chirurgical. J’en avais en tissu. On a reçu des dons. On a sollicité pas mal de monde et obtenu pas mal de matériels. »
« On a accueilli ce don de tablette avec bonheur »
L’arrivée en avril des tablettes a mis du baume au cœur des seniors encore plus seuls depuis la décision de l’isolement en chambre, le 28 mars. L’établissement fait partie des chanceux qui bénéficient de l’opération. La mairie lui en a offert une également. « On a accueilli ce don de tablette de la part de la MSA et de la mairie avec bonheur », confie Isabelle Ducret. Les précieux supports ont permis aux 33 personnes, âgées de 63 à 98 ans, de la résidence de dialoguer de visu avec leurs proches, en attendant la reprise des visites.
« Les familles contactent les cadres pour demander des nouvelles. Voir les parents après plus d’une quinzaine de jours de confinement, raconte la responsable, cela fait du bien au moral de tous. Les résidents n’ont pas le sentiment d’être abandonnés. Et l’entourage est soulagé de pouvoir rassurer leur mère, leur père… Un membre du personnel s’occupe de mettre le résident en contact avec sa famille. » Le contact visuel rompt l’isolement social de nos aînés. Et pour les familiariser au mieux avec l’outil numérique et les aider dans la manipulation comme tenir la tablette ou régler les problèmes de connexion , il y a toujours quelqu’un (une aide-soignante, une infirmière…) à leurs côtés.
Un outil d’activités
Entretemps, les familles ont été autorisées à des visites encadrées et très limitées, après la conférence de presse du ministre de la Santé, Olivier Véran, le 19 avril. La responsable décrit le nouveau protocole : « Les personnes appellent pour prendre rendez-vous. Et les visites sont autorisées entre 14 h 30 et 16 h au moment où nous pouvons, de notre côté, nous libérer car il faut toujours surveiller. Elles vont jusqu’à 16 h 30. C’est une demi-heure tous les quinze jours. C’est très réglementé. Les gens doivent venir avec un masque. La personne visitée est à l’intérieur, et le visiteur à l’extérieur… »
Les tablettes n’en perdent pas pour autant leur utilité. « C’est un outil de travail précieux pour l’animation, pour d’autres activités encore. Comme on a une enceinte Bluetooth, on va l’utiliser pour la musique, les livres audio, les jeux de mémoire. On ne s’arrête pas seulement à sa fonction de moyen de communication. » Et les activités pour aider les résidents à supporter le confinement vont devoir être nombreuses car le déconfinement du 11 mai ne concerne pas les Ehpad. Le cadre de santé le précise : « Le déconfinement n’est pas d’actualité pour les Ehpad. On attend de voir comment celui-ci va se passer pour l’ensemble de la population. Pour l’instant, on réglemente toujours les visites, les entrées. Et on verra tranquillement comment on peut envisager un retour à la normale. C’est trop dangereux et impactant. Il y a des personnes très âgées et fragiles. On n’arrive pas à l’âge de 98 ans sans rencontrer de problèmes de santé. Le risque pour eux, ce n’est pas rien. Ils ne supporteront pas une réanimation. Il faut les protéger, éviter la propagation et l’entrée du virus dans l’établissement. Ça c’est sûr. »