Entre crise et contexte international

« Après les deux ans du long tunnel qu’a constitué la pandémie du Covid, nous voici confrontés à ce que nous pensions impensable au XXIe siècle : la guerre sur le continent européen. […] Les impacts pour l’agriculture et le monde agricole sont particulièrement importants, pas seulement à l’échelle de la France, et portent des enjeux qui sont bien sûr économiques, mais aussi politiques, sociaux et humains », introduit Pascal Cormery, président de la CCMSA.

« Les tensions inflationnistes provoquées par la guerre affectent nos vies, rognent nos pouvoirs d’achat, nos marges de manœuvre et nos moyens de fonctionnement. C’est vrai pour les entreprises, pour les filières agricoles, pour les salariés et leurs familles, et aussi pour la MSA. »
Épisode de gel en avril 2021, crise porcine, ravages provoqués par l’influenza aviaire, « force est de constater que depuis plus d’un an, nous avons été très fortement sollicités pour déployer les dispositifs dédiés aux entreprises et exploitations agricoles touchées par les crises multiples qui se sont succédé, fragilisant tous les “écosystèmes” de notre monde agricole, avec leurs conséquences sur l’activité, l’emploi et le volet social et humain. »

Invité à livrer son analyse, Thierry Pouch, économiste, chef du service études, références et prospective des Chambres d’agriculture France, partage ce constat et place « le devenir de l’agriculture française dans une ère d’incertitudes radicales ». Ce qui ne gomme pas pour autant « les atouts de l’agriculture française dans la crise actuelle » et pourrait laisser entrevoir la possibilité d’un « report de la demande mondiale exposée aux risques de ruptures d’approvisionnements sur la France et sa production céréalière ».

Le nécessaire soutien des tutelles

Ces crises à répétition mais surtout la situation générée par la guerre en Ukraine rebat les cartes d’une convention d’objectif et de gestion (COG) signée en amont de celle-ci. « La négociation de la COG s’est prolongée en partie en raison du contexte sanitaire, mais également parce que nous voulions aboutir à des arbitrages nous permettant de réaliser nos ambitions : un service social de qualité, performant et homogène, un guichet unique adapté pour répondre aux enjeux du monde agricole et aux besoins de proximité des territoires ruraux, le pilotage de la performance. Des augmentations ont été obtenues : + 20 % pour le système d’information, + 10 % sur les fonds techniques en action sanitaire et sociale et prévention santé », résume François-Emmanuel Blanc, directeur général de la CCMSA.

Il ne manque pas d’ajouter que « de fortes tensions pèsent sur notre budget de fonctionnement, sur lequel un effort de 5 % d’économie avait été demandé par les tutelles lors des négociations. L’économie française, depuis l’invasion russe en Ukraine le 24 février dernier, fait désormais face à un choc notamment inflationniste, dont les effets sont aujourd’hui encore difficiles à mesurer. Notre institution se trouve à devoir absorber des augmentations, pourtant incompressibles, sur ses charges de fonctionnement. Je suis parfaitement conscient des difficultés que cela engendre. Le président et moi-même avons alerté de nouveau le nouveau ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire [Marc Fesneau, NDLR] sur le sujet car la MSA doit pouvoir disposer de tous les moyens indispensables à l’accomplissement de sa mission de service public dont elle est dépositaire. Dans l’attente, nous n’avons pas eu d’autres choix que de prendre des mesures transitoires et prudentielles sur nos dépenses de fonctionnement avec un gel provisoire de certaines dépenses d’investissement, et la mise en application d’une politique raisonnée des frais de déplacement.»

Face à ces mesures exceptionnelles et supplémentaires, et en l’absence de réponse des pouvoirs publics, les présidents des 35 caisses de MSA adressent une déclaration commune à Sébastien Colliat, le commissaire du gouvernement, lui demandant « une mesure budgétaire d’urgence afin d’être en capacité de remplir nos missions ».

Photos : © Hugo Lebrun/CCMSA Image


Pascal Cormery, quant à lui, rappelle que « face à ce contexte, source d’inquiétudes, il faut rester mobilisés et unis pour activer les leviers indispensables au maintien de nos missions auprès de nos adhérents, sur les territoires. C’est en faisant preuve de bon sens, de pragmatisme, mais aussi de rigueur et de solidarité, que nous saurons franchir ce cap délicat, qui n’affecte pas que la MSA, mais l’ensemble de la sphère publique. »

Des actions, des avancées et des lois

Pour illustrer la mobilisation dans toutes les dimensions du guichet unique, le directeur général a fait le point sur les réalisations de la MSA en 2021.
Au nombre de celles-ci figurent la mise en œuvre du nouveau service public des pensions alimentaires et intermédiation financière (opérateur de l’Agence de recouvrement des impayés de pension alimentaire). Le déploiement en propre des espaces France services s’est poursuivi avec 71 labellisations depuis avril 2022 et 6 projets d’ici la fin de l’année. Le programme Declic, qui propose un suivi global santé-social sur-mesure aux adhérents MSA présentant des difficultés socio-économiques et éloignés du soin, a été mis en œuvre. Le rendez-vous prévention jeune retraité a été généralisé, la nouvelle offre famille Grandir en milieu rural lancée et les travaux pour améliorer la performance de l’institution engagés.

Le président de la CCMSA souligne que cette mobilisation « s’est traduite également dans le cadre de la déclinaison des principales mesures législatives d’ampleur : la simplification et la modernisation des prestations en espèces pour les non-salariés ou la suppression de la majoration de 10 % appliquée au non-salarié agricole. Au-delà de ces deux exemples, j’insisterai sur la mise en œuvre des lois Chassaigne. Il s’agit d’une réforme d’ampleur pour les retraites agricoles. Adoptée par le Parlement en juillet 2020, la loi Chassaigne 1 est entrée en vigueur le 1er novembre dernier. Elle représente une mesure de justice sociale que la MSA appelait de ses vœux depuis longtemps et qui vient reconnaître le travail et l’engagement des hommes et des femmes qui ont travaillé toute leur carrière dans l’agriculture. »

Côté vie mutualiste, « si nous faisons un rapide bilan de l’année écoulée, en 2021, l’action sur les territoires est réelle mais recentrée sur un petit nombre d’élus : 1 300 actions collectives portées par 3 000 élus, soit en moyenne 2 ou 3 élus impliqués par action, ont vu le jour. Compte tenu du contexte encore marqué par la pandémie, c’est un bon résultat. Il n’en demeure pas moins que nous sommes nombreux à partager ce sentiment de démobilisation de nos délégués, déplore Philippe Moinard, président de la commission d’action mutualiste. Redonner du sens à l’engagement en allant sur le terrain à la rencontre des délégués, c’est notre rôle d’administrateur. »

L’humain au centre des préoccupations de la MSA

Pour Thierry Manten, 1er vice-président, « recherche, innovations, investissements, formations sont évidemment des clés pour soutenir notre activé et répondre aux impératifs actuels de production, mais nous ne devons pas oublier un point essentiel : la santé des professionnels agricoles. Parce que c’est au cœur de sa mission, la MSA doit se mobiliser sur cet enjeu avec, à mon sens, deux priorités : la prévention du mal-être et l’accompagnement des projets et transitions. »

Thème central des journées nationales 2021 de Biarritz, l’alimentation sera « le fil rouge des actions qui seront réalisées du 1er au 9 octobre, annonce Philippe Moinard. Elle constitue un sujet devenu majeur dans le contexte économique actuel, et pour un organisme social et professionnel comme le nôtre. C’est un domaine d’intervention déjà investi par nos délégués, et quelques-unes de ces initiatives ont pu être retranscrites dans un recueil d’expériences diffusé dans le réseau afin de constituer une source d’inspiration. »

Des défis à relever aujourd’hui et demain

« La mise en œuvre de la COG actuelle mais également la préparation du plan stratégique 2030 dans lesquels nous nous lançons sans attendre devront répondre à plusieurs enjeux de taille : soutenir le monde agricole afin de relever les défis majeurs de demain : souveraineté et sécurité alimentaire, transitions, innovations, relève des agriculteurs ; être au rendez-vous des grandes réformes sociales à venir : versement à la source, réforme de la retraite, indique François-Emmanuel Blanc.

« La MSA se trouve, à l’instar de l’agriculture et de ses ressortissants, face à des défis de taille à relever. Notre positionnement historique d’observateur et d’acteur social sur les territoires ruraux, notre maillage territorial et notre expertise font de la MSA un acteur utile, moteur et unique. C’est par l’excellence opérationnelle de nos services que nous ferons la preuve de la nécessité de notre modèle et assurerons sa pérennité voire son développement à l’ensemble du territoire rural. »