Mesdames messieurs, nobles vieillards à la blanche chevelure, gentes dames, jeunes vieux, vieux jeunes… Je vous évite le terme “seniors” et tous ces qualificatifs abscons dont on nous affuble aujourd’hui : 3e, 4e âge…
Un vieux est un vieux !
Le mot est bien tourné, efficace. Alors pourquoi tourner autour du pot ? Fait-elle si peur que ça la vieillesse, que l’on n’ose la nommer ?


Vous êtes bien arrivés Au tord boyaux. Ici pas de tabous, du bon vin, de l’accordéon et une devise, un cri de ralliement même : « Ce qui est bon quand on est vieux, c’est qu’on peut tout dire ! »

Jean-Paul, Odile et Monique, évadés de leur résidence Les Glycines, Sarah l’aide-soignante et Josiane qui les rejoint, ont acheté un camping-car avec leurs économies et lancé leur petit troquet clandestin et itinérant. Leur idée ? Porter la bonne parole du bien vieillir.
« Montrer que tant qu’on est vivant, on n’est pas morts. Bien bouffer, bien dormir, rigoler, se fendre la pipe avant de la casser, rêver, aimer, niquer ! Avoir des projets, vivre tous les jours comme si c’était le dernier. »
Jean-Paul est « l’homme de la situation » sur scène, comme dans la vraie vie. Car tous les personnages s’inspirent largement de ceux qui les incarnent, et de leur histoire.

Et celle de La belle vie démarre avec le Peps Eurêka (programme d’éducation pour la promotion de la santé). Le quatuor de base se compose en effet d’animateurs bénévoles des ateliers de stimulation cognitive organisés par la MSA Ardèche Drôme Loire. Destinés aux plus de 55 ans, quel que soit leur régime de retraite, ils se composent de 10 séances d’environ 2h30. On y travaille les différents types de mémoires et découvre les 11 alliés du bien vieillir.

Un jour, Jean-Paul Vanier, de son nom d’usage, lance cette idée après avoir vu un sketch sur la vieillesse heureuse. Une idée originale qui a tout de suite suscité l’intérêt des autres animateurs, et des professionnelles de la MSA qui les accompagnent. Les élus du comité d’action sanitaire et sociale (ASS) ont ensuite validé le projet.
« Un petit groupe de volontaires a commencé à travailler, nous avons bien sûr cherché des financements et on a fait appel à En compagnie des oliviers, avec qui nous avons l’habitude de travailler. Le projet est né comme ça, explique Marjorie Costa, travailleur social dans la Drôme. C’est un spectacle plein d’espoir et nos bénévoles-acteurs, qui ont entre 60 et 70 ans, en redemandent, c’est une expérience tellement unique ! »

Un message universel

Ainsi, la MSA Ardèche Drôme Loire accompagne le projet de A à Z et le finance grâce au fonds ASS et avec l’aide des conférences des financeurs de chaque département.
Objectifs : diffuser des messages de prévention par des retraités pour des retraités, valoriser les compétences des bénévoles et donner envie de devenir animateur.

Fugueurs, recherchés par la maréchaussée, à nos âges… bien sûr qu’on est fous ! Mais n’est-ce pas cela, bien vieillir ? Garder de la folie, se révolter, ne pas remettre au lendemain.

« Il y a quelques mois en arrière, on n’aurait jamais imaginé ça, avoue Jean-Paul Vanier. Nous avions envie d’exprimer nos messages différemment, dédramatiser. Nous avons répété entre un et deux week-ends par mois avec un professionnel. Il nous a testés et a pris ce risque de faire jouer des amateurs. Je me souviens du premier test, il nous a pris un peu au dépourvu, nous a fait raconter nos vies. On a parfois eu les larmes aux yeux. Il nous a alors dit : Quand on fait du théâtre, il faut être vulnérable. Ce mot est souvent vu comme une faiblesse, mais ici c’est une force car pour transmettre des émotions, il faut savoir les recevoir et les exprimer. Cet enfoiré nous a fait pleurer ! »

L’enfoiré, et professionnel, en question, c’est ­Jean-Pierre George, auteur, metteur en scène et fondateur d’En compagnie des ­oliviers. Il a commencé à travailler avec les quatre acteurs en herbe en mars 2019. Spécialiste des spectacles engagés (Il y a un os, Le mariage de ­François, Un temps de cochon, Tom s’installe) sur des sujets parfois difficiles comme le suicide des agriculteurs, ce nouveau défi ne lui a pas fait peur, au contraire. « L’avantage de ne partir de rien, c’est qu’on peut faire ce qu’on veut. On s’adapte aux contraintes de chacun. »

Une ode à la vieillesse heureuse

Résultat : 1h20 d’humour grinçant, grivois, poétique, tendre, et de chansons en ode à la vieillesse heureuse. Sarah Lahrer, comédienne, musicienne et cofondatrice de la compagnie, accompagne les acteurs sur scène dans le rôle de l’aide-­soignante. Car ça chantonne au bistrot : de Pierre Perret, bien sûr, à Georges Moustaki en passant par Léo Ferré, les spectateurs ont l’occasion de taper du pied et de fredonner les paroles.

Odile Chareyron, retraitée depuis six ans, est anima­trice depuis quatre ans. Déléguée cantonale MSA en Ardèche, c’est à cette occasion qu’elle a découvert l’atelier Peps Eurêka. « On fait un parcours pour le comprendre, avant de suivre une semaine de formation. C’est très intéressant, une aventure, un engagement. On rencontre des tas de personnes avec des parcours différents. J’ai essayé de mettre en pratique certains exercices de mémoire pour la pièce. Je n’avais jamais fait de théâtre. Je ne regrette pas ! »

Et elle fait bien de « s’en tamponner le coquillard avec une queue d’écrevisse ! », Odile !
Les blagues sur les vieux attirent puisque que le spectacle a réuni plus de 1 100 personnes sur six représentations (deux par département) entre novembre 2019 et février 2020, notamment sur des territoires de chartes des solidarités avec les aînés. « Cela montre bien comment nous pouvons accompagner les initiatives de terrain, en permettant aux personnes d’être acteur, en recherchant les moyens pour passer de l’idée à sa réalisation, ajoute Mireille Pétavy, responsable adjointe ASS en charge de la coordination du projet. C’est une belle réussite qui combine à la fois la compétence du service, l’engagement des bénévoles, la confiance des élus et le partenariat actif des financeurs. Lors des représentations, tous les acteurs se sont mobilisés pour accueillir et encourager les retraités des territoires à venir découvrir La Belle Vie. »

Un succès tel que de nouvelles dates seront organisées dès que possible cette année. Si vous avez raté nos bistrotiers préférés, il vous reste encore une chance.

Photos : © Marie Molinario/le Bimsa.

Les 11 alliés du bien vieillir

Créé avec la fondation nationale de gérontologie et lancé en 2012, le Peps Eurêka s’inscrit dans une prévention globale du vieillissement basée sur l’impact positif de onze alliés naturels :

► une activité physique régulière
► une alimentation équilibrée
► le respect des cycles du sommeil
► la stimulation intellectuelle
► l’environnement familial
► la stimulation sociale
► les stimulations psychoaffectives et la sexualité
► les loisirs et les projets
► l’équilibre
► la vision et l’audition
► le patrimoine génétique (le seul sur lequel on ne peut agir)

Tous ces facteurs ont des effets bénéfiques sur la santé et, par ricochet, sur la mémoire.

Issus de la méthode Neuropeps (programme de stimulation cognitive et psychosociale des adultes indemnes de pathologies cérébrales), les 10 ateliers du Peps Eurêka, centrés sur la santé cognitive, en groupe de 10-12 personnes, permettent de comprendre le fonctionnement du cerveau et des mémoires, d’apprendre différentes stratégies de mémorisation et comment les combiner, de prendre conscience de ses difficultés et retrouver confiance en ses capacités pour y remédier, de changer de comportements et d’habitudes, de dédramatiser ses pertes de mémoire, de s’enrichir mutuellement, se divertir, faire des projets, partager ses difficultés au quotidien et faire des rencontres.