Coauteure de Sociologie du tourisme, elle est également revenue sur la représentation de la notion de vacances dans notre société.
La notion de l’ailleurs est relative.
Elle dépend de l’expérience, de la catégorie socioprofessionnelle. C’est une idée qui évolue. Pour certains, c’est Cancún ou Zanzibar, pour d’autres l’Ardèche. Ce n’est pas la distance qui la détermine ou qui rend l’idée forcément désirable. Il faut savoir que les séjours de découverte ne représentent que 10 % des réservations.
Ainsi, les motivations au départ peuvent être très diverses : la quête du vide (la maison de campagne, le désert…) ; du plein (ville, fête, colonies…) ; du rien (ne rien faire, se poser sur la plage…) ; du trop (alpinisme, tour de l’Europe en huit jours…) ; de l’autre (tourisme solidaire, découverte des populations locales…) ou du soi (individuel ou collectif).
Ce qui fait le cœur des vacances, c’est de se retrouver.
Ces motivations peuvent évoluer en fonction des modes, mais les plus importantes sont principalement le rien et le soi. Le reste n’est en fait pas déterminant dans la réussite des vacances : socialement, médiatiquement, on met plus en avant ce qui est exotique, ce qu’on pense que les autres attendent (visites de monuments…), alors que ce qui fait le cœur des vacances, c’est de se retrouver. Ce sont certains petits moments vécus qui comptent – comme l’exemple du père et de son fils qui n’avaient jamais pris de petits déjeuners ensemble – mais qui ne vont pas forcément être exprimés. Le principe est le même pour les motivations : ce que les personnes interrogées vont répondre pourra aussi être ce qu’elles pensent qu’on attend d’elles.
L’enjeu des politiques et des travailleurs sociaux va donc être de trouver comment faire exprimer des désirs, des attentes ou des images, notamment si ces personnes, souvent primo-partantes, n’en ont pas. Vous n’aurez pas envie d’aller dans un endroit dont vous n’avez jamais entendu parler ou si vous avez l’impression que vous n’y serez pas à votre place.
Les agriculteurs ont été les derniers en France à partir en vacances.
Une grande partie du monde du salariat est familiarisé avec ce rapport au temps libre, à l’oisiveté, mais beaucoup d’autres ne le sont pas. C’est le cas pour les agriculteurs qui, avec leurs temps de travail informels, ont été les derniers en France à partir en vacances. Le même problème se pose pour les retraités et les chômeurs, car on oppose le temps de travail au temps de vacances, là où il faudrait opposer le quotidien au non-quotidien. Ce qui compte, c’est la distanciation par rapport à ses activités journalières.
Toute la difficulté est de les faire accéder à cette expérience et de les accompagner au mieux, en leur permettant de se sentir légitimes sans avoir l’impression d’être trop encadrés.
Les centres de vacances devraient, je pense, se recentrer sur cet accompagnement, sur un accueil et une animation ciblés. Avec la très forte individualisation de l’industrie du tourisme, se positionner du côté du care, prendre soin de soi en anglais, pourrait en faire une expérience plus valorisante et apporter une plus-value par rapport aux autres offres d’hébergement.
Le tourisme social a le pouvoir de faire avancer l’idée que ce temps libre, qu’il soit de loisir ou de vacances, est tout à fait légitime et même indispensable à la construction de l’identité personnelle et collective. »
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