« Aidez-nous ! » Ce cri du cœur, c’est celui de Flavia, 43 ans. Cette habitante de Guer s’est rendue à la conférence organisée par la MSA Portes de Bretagne, le 5 mars dernier. Comme beaucoup de femmes touchées par l’endométriose, elle se sent démunie face à cette maladie. Ce fut un long parcours avant qu’elle ne soit diagnostiquée.
Sept ans de diagnostic en moyenne
Flavia s’est heurtée à l’incompréhension du corps médical, une situation que vivent de nombreuses patientes. « Je souffre depuis mes 14 ans. J’ai fini par être diagnostiquée à 33. » Soit 19 ans après.
« En moyenne, le diagnostic en France est de sept ans, précise Faustine Cherrière, gynécologue au centre hospitalier Bretagne Atlantique de Vannes. Et plus la douleur et les symptômes sont traités tardivement, plus cela empire. »
L’endométriose « est une maladie gynécologique liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine hors de l’utérus », explique Faustine Cherrière. Ce tissu qui tapisse l’intérieur de l’utérus est normalement expulsé pendant les règles. Mais avec cette maladie, des fragments d’endomètre migrent vers les organes voisins et s’y greffent.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, cela entraîne une inflammation et la formation de tissu cicatriciel dans la région pelvienne et parfois dans d’autres parties du corps.
Symptômes et troubles associés
- Douleurs pendant les règles, les rapports sexuels et au moment de déféquer et/ou d’uriner
- Douleurs pelviennes chroniques
- Troubles digestifs, ballonnements, nausées
- Fatigue
- Dépression ou angoisse
- Le risque d’infertilité est multiplié par 10
À noter que certaines femmes n’ont aucune douleur due à l’endométriose.
Traitements
Aujourd’hui, l’origine de la maladie est encore peu connue et les solutions proposées sont principalement médicamenteuses : des traitements hormonaux (pilule, stérilet, implant, ménopause artificielle) pour bloquer l’ovulation et des antalgiques contre la douleur. La chirurgie peut également être envisagée.
2 à 4 millions de femmes concernées
Pourquoi est-il important de prendre en considération cette maladie chronique ? D’abord, « parce qu’elle touche une femme en âge de procréer sur dix en France », indique la gynécologue. Elle toucherait entre 2 et 4 millions de femmes dans le pays et 190 millions dans le monde, avec des répercussions importantes sur leur vie.
D’autant plus qu’elle est souvent associée à d’autres pathologies. Elle peut aussi entraîner une infertilité. « Entre 25 et 30 % des femmes atteintes d’endométriose présentent des troubles de la fertilité », précise la spécialiste.
C’est le cas de Magalie, présente à la soirée. Opérée quatre fois, elle a suivi un parcours de procréation médicalement assistée (PMA) n’ayant pas donné de résultats. Aujourd’hui, les douleurs sont trop fortes et elle a été placée sous ménopause artificielle avec peu d’espoir de tomber enceinte par la suite.
La conférence, organisée par la MSA avec les associations EndoFrance, EndoBreizh, et la gynécologue Faustine Cherrière, a donné quelques pistes aux 80 personnes venues assister à la soirée.

Grégory Ruch, kinésithérapeute, et Manon Véron, ergothérapeute, ont, quant à eux, présenté des solutions de prise en charge pour les patientes.
« L’impact sur la vie professionnelle est également très important », rappelle Bénédicte, bénévole chez EndoFrance. Ce que confirme l’étude EndoVie, réalisée en 2020 par Gédéon Richter, Ipsos et EndoFrance1. 65 % des femmes interrogées reconnaissent un impact négatif sur le quotidien professionnel.
Parmi les problèmes rencontrés :
– une difficulté à rester en position statique, assise ou debout
– des douleurs continues
– des problèmes urinaires et/ou digestifs
– la difficulté à porter des charges lourdes
– des horaires de travail en décalé
– des absences répétées
Comment faire poser le diagnostic ?
« L’interrogatoire de la patiente doit pouvoir orienter le diagnostic, explique Faustine Cherrière. Qualifier les douleurs, leur localisation, le retentissement sur la vie quotidienne va nous aider dans nos conclusions. » Les médecins généralistes, gynécologues ou sage-femmes devront également questionner les patientes sur les troubles associés : douleurs pendant les rapports sexuels, troubles digestifs, urinaires, saignements anarchiques, douleurs lors de la marche…
« Un examen clinique est nécessaire pour aider au diagnostic qui pourra être confirmé par l’imagerie, échographie et IRM, précise-t-elle. Les radiologues et échographistes devront cependant être expérimentés pour bien lire les résultats », met cependant en garde la gynécologue. Car parfois, les lésions ne se voient pas ou peu sur une échographie ou en imagerie, sans vouloir dire qu’elles n’existent pas. Dans certains cas, la seule manière de diagnostiquer une endométriose est de procéder à une cœlioscopie.
Depuis février, un nouveau test salivaire, Endotest, permettrait également de la diagnostiquer plus facilement. 2 500 femmes en ont déjà bénéficié et la Haute autorité de santé va évaluer prochainement son intérêt thérapeutique. Une centaine de centres sur le territoires vont pouvoir le proposer dans le cadre d’une expérimentation à grande échelle. Ces tests seront remboursés auprès des patientes concernées.
Quelles solutions ?
Pour remédier aux problèmes quotidiens des patientes, l’association suggère plusieurs pistes. « Elles peuvent d’abord se tourner vers un médecin du travail ou une assistante sociale pour évoquer leurs difficultés », note Marie-Paule Bernicot, coordinatrice de la filière santé endométriose chez Endobreizh. Il existe également des associations vers lesquelles se tourner telles que EndoFrance, Endomind, ou encore Info Endométriose.
Des aménagements de postes ou d’horaires, du télétravail et du matériel aidant à la manutention peuvent permettre d’améliorer certaines situations. « Il est essentiel de sensibiliser et former les médecins du travail à cette pathologie, indique la coordinatrice. Les patientes peuvent aussi demander un mi-temps thérapeutique lors de la mise en place d’un traitement spécifique ou après une chirurgie. »
La prise en charge de l’endométriose en affection longue durée (ALD) est également possible bien que parfois difficile à obtenir. « Il existe en effet une forte disparité régionale pour accorder ces ALD », note l’association. En Bretagne, elle est par exemple de 20 % tandis qu’elle peut aller jusqu’à 80 % dans d’autres régions. Des efforts sont donc encore à faire de ce côté-là.
Les patientes ont la possibilité de faire une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Les associations et les médecins peuvent accompagner les femmes touchées par l’endométriose dans ces démarches.
(1) Enquête réalisée auprès de 1 557 femmes atteintes d’endométriose.
Les solutions non médicamenteuses
D’autres solutions comme le yoga, l’acupuncture, la diététique, psychothérapie, etc. peuvent contribuer à une amélioration de la qualité de vie des patientes. Grégory Ruch, kinésithérapeute à Pluneret, et Manon Veron, ergothérapeute à Saint-Armel, étaient présents pour parler du travail qu’ils réalisent auprès de ces femmes.
- La kinésithérapie
La kiné permet de travailler sur certains aspects de l’endométriose. « Nous pouvons intervenir sur des phénomènes douloureux, indique Grégory Ruch. On travaille sur la mobilité viscérale, les fascias et les muscles. La sphère viscérale est très importante puisque l’endométriose provoque des adhérences et fige tout le système digestif. » Contrairement à ce qu’on a l’habitude d’entendre, pour ce genre de pathologie, le kiné propose « de détendre le périnée afin de retrouver une mobilité et éviter la crispation qui joue sur le système urinaire, rectal et sexuel ».
Le travail est global, « c’est à nous de nous adapter, insiste Grégory Ruch. Je conseille également de pratiquer un sport pour entretenir la mobilité », avec parfois une réadaptation à l’effort à ajuster selon les personnes.
- L’ergothérapie
Moins connue, l’ergothérapie est un bon moyen d’accompagner les patientes. Manon Veron, ergothérapeute, propose un suivi à travers leurs habitudes, leur environnement, leur travail. « L’endométriose impacte tous les aspects de la vie, explique-t-elle. Sommeil, alimentation, difficultés à se déplacer, fatigue, etc., notre rôle est d’accompagner vers une meilleure organisation et gestion des contraintes pour diminuer les douleurs et les symptômes.
« Nous rencontrons les personnes dans leur environnement pour réaliser une évaluation : où sont situées les douleurs, quand arrive la fatigue, quelles sont les habitudes de vie, etc. » Puis l’ergothérapeute s’intéresse aux soins quotidiens comme l’hygiène, l’alimentation, aux habitudes de sommeil et d’alimentation ainsi qu’aux loisirs.
Pour aller plus loin :
📘En mouvement avec l’endométriose, un guide qui compile les bénéfices du sport sur la maladie.
📘Idées reçues sur l’endométriose, un livre qui dresse un panorama complet des connaissances actuelles de la maladie et des avancées encourageantes.