C’est à Fauquembergues, commune rurale du Pas-de-Calais, que la MSA a décidé de réunir acteurs et décideurs locaux sur une thématique d’actualité : « Quelle place pour les territoires ruraux dans la future réforme de la dépendance ». Une rencontre portée par Brigitte Bourguignon, députée LREM du département, présidente de la commission des affaires sociales à l’Assemblée Nationale.

« Les territoires ruraux sont peut-être ceux qui ont amené le plus de réflexion dans le domaine de la dépendance », souligne-t-elle en ouverture, avant de revenir sur les travaux et rapports issus de la concertation sur le grand âge et l’autonomie et les enjeux auxquels devra répondre la réforme de la dépendance, initialement prévue en 2019 mais reportée à 2020 : montée en charge du maintien à domicile, amélioration du placement en établissement, attractivité des filières de travail. « Ces métiers n’ont jamais été valorisés, revalorisés et ont dû s’adapter alors qu’au départ, ils n’étaient pas forcément préparés à des pathologies aussi importantes et à leur évolution. Les structures ont dû elles aussi évoluer en ajoutant des pavillons, en s’attachant au bien-être, en adaptant les soins, le personnel. Il y a un manque criant de personnel parce que c’est un métier difficile, mais il est valorisant pour la personne. Le rapport humain entretenu avec les personnes âgées est immense et, si on en parlait en d’autres termes que misérabilistes, peut-être serions-nous attractifs ».

Une dimension humaine très forte dans son propos où il est question de citoyenneté des personnes âgées, de prise en compte des besoins, de lien social… dans le droit fil des préoccupations de la MSA et de sa politique d’action sanitaire et sociale gérontologique.

Présente sur l’ensemble des territoires, elle y propose des solutions innovantes notamment pour prévenir la dépendance. À Fauquembergues justement, elle a contribué à l’implantation, il y a une vingtaine d’années, d’une des quelque 200 maisons d’accueil et de résidence pour l’autonomie (Marpa) ouvertes dans notre pays.

Avec une capacité d’accueil de 21 résidents en permanence et d’une personne en hébergement temporaire, cette réalisation est l’une des illustrations de l’implication, de longue date, de la MSA en matière de préservation de l’autonomie des personnes âgées, un objectif majeur affiché par les pouvoirs publics.

Des activités qui partent des plaisirs de nos résidents

« Nous sommes vraiment axés sur la prévention de la dépendance, pointe Cédric Briche, responsable de la Marpa. Nous animons nos résidences avec des actions telles que des ateliers numériques, mémoire, nutrition… proposés dans notre région par Défi autonomie seniors [un groupement de coopération sociale et médico-sociale créé par les caisses d’assurance retraite des Hauts de France] mais aussi grâce à des activités plus simples, qui partent des besoins et des plaisirs de nos résidents. Certains exprimaient aussi le besoin de partir en vacances. Nous avons organisé depuis trois ans des séjours Part’âge (voir notre dossier). Ce dispositif est construit en partenariat les Maisons familiales rurales (MFR) dispensant des formations d’aide à la personne – une interaction entre les Marpa, les jeunes des MFR qui prennent soin des personnes âgées pendant le séjour, les villages de l’AVMA [association de vacances de la Mutualité agricole], via l’ANCV [agence nationale pour les chèques-vacances] et la MSA. Dans le Nord-Pas de Calais, nous avons pu offrir cette possibilité à plus de 50 résidents. C’est aussi une expérience intéressante sur le curriculum vitae des jeunes. Cela donne du sens à tout ce qu’on fait au quotidien. Sur Fauquembergues, quatre ou cinq personnes qui ne résident pas à la Marpa ont bénéficié de ces séjours. Car notre résidence est aussi une plateforme de services à destination de la population senior ».

Françoise Debas, présidente de la Marpa de Fauquembergues ajoute que la résidence propose depuis trois ans le portage de repas chauds à des personnes âgées de la commune : « la vocation d’une Marpa est d’être au service de son territoire ».

Imaginé il y a plus de trente ans par la MSA, le concept Marpa repose sur une vie comme à la maison, dans un environnement adapté et incitant à maintenir ou créer des liens. « Il est volontairement non médicalisé, précise Patricia Saget-Castex, présidente de la fédération nationale des Marpa, car les résidences s’appuient sur les ressources et les professionnels de santé du territoire afin de permettre à chacun de garder ses habitudes. Elles contribuent de ce fait à la vitalité économique, au maintien et parfois au développement d’activités sur les territoires ruraux. »

Solution efficace entre le tout Ehpad et le maintien à domicile, cette résidence autonomie souffre pourtant d’un développement trop lent. « Elle est soumise à une autorisation d’ouverture délivrée par le conseil départemental, poursuit Patricia Saget-Castex. Or nous avons pu constater depuis quelque temps, un net ralentissement des appels à projets qui constituent le point de départ de toute demande de création d’un établissement médico-social. Pourtant, les territoires ruraux sont loin de disposer, partout, des services nécessaires à la prise en compte des besoins des aînés. Il est important, là où les études révèlent un besoin d’établissement, que les procédures d’autorisation soient simplifiées, tout en maintenant un niveau d’exigence fort, comme nous le faisons avec le label Marpa. »

La longévité est une chance, la dépendance un risque

Thierry Manten, premier vice-président de la MSA, observe que « la population rurale affiliée à la MSA est relativement âgée et ses besoins sont donc très importants ». Pour y répondre, les caisses de retraite ont noué un partenariat sur le « bien vieillir ». Il se concrétise par des informations et conseils pour bien vivre sa retraite et anticiper sa perte d’autonomie ; des programmes d’actions et d’ateliers collectifs de prévention à destination de publics ciblés sur l’ensemble des territoires, des conférences et théâtres-débats, des actions en faveur du lien social ; des aides individuelles à destination des plus fragiles. « Ces offres de proximité sont assurées par les Asept [Association santé éducation prévention sur les territoires]. L’année dernière plus de 41.000 personnes ont ainsi pu bénéficier d’au moins une action proposée dans l’offre socle interrégimes. L’apport de ces programmes de prévention a été mis en avant par le rapport de Dominique Libault. »

Mais, quand la dépendance s’installe, la prise en charge d’un proche constitue une lourde responsabilité pour l’entourage qui ressent souvent l’isolement, l’inquiétude et un poids moral important. « La longévité est une chance on le sait, la dépendance est un risque. Lorsqu’elle est là, il y a d’autres personnes dépendantes que la personne dépendante : ce sont les aidants, signale François-Emmanuel Blanc, directeur général de la CCMSA. Il est important qu’ils puissent disposer d’outils de répit pour respirer, refonder leur rôle d’aidant. Nous avons mis en place « Bulle d’air » et nous voudrions qu’il essaime. »

Que ce soit pour une sortie, un rendez-vous, une activité associative, un temps de loisir, la participation à un événement familial, quelques jours de détente…, un relayeur se rend à domicile pour remplacer l’aidant familial ; il tient compagnie, écoute, accompagne une personne dans une sortie ou dans ses déplacements. Une solution souple, accessible même sur des territoires isolés, possible de manière régulière ou ponctuelle, y compris pour des interventions la nuit, le week-end, les jours fériés. Né en Savoie en 2011 sous l’impulsion de la MSA Alpes du Nord, il s’étend progressivement.

Telles sont certaines des solutions que la MSA déploie pour contribuer à ce défi du vieillissement de la société. Les échanges lors de cette rencontre avec les professionnels locaux et les représentants des collectivités territoriales ont également permis l’expression d’autres perspectives telles que la nécessité d’approfondir le travail partenarial avec le conseil départemental, celle de mieux prendre en compte la problématique de l’hébergement des personnes handicapées vieillissantes (à la lumière d’un projet présenté par Alain Méquignon, maire de Fauquembergues), ou encore la réflexion sur de nouveaux espaces communs dédiés aux activités dans les Marpa… Pour regarder le vieillissement en face et répondre aux préoccupations concrètes qui s’expriment.

Des réponses innovantes

Les Marpa. Alternatives à l’hébergement traditionnel proposé en établissements médicalisés et en maisons de retraite, les maisons d’accueil et de résidence pour l’autonomie sont principalement implantées sur les espaces ruraux et en périphérie des villes. Réparties sur 70 départements, privilégient l’autonomie, l’indépendance, elles privilégient le bien-vieillir et la sécurité de leurs résidents. Elles participent aussi à la vie et au développement économique des territoires.

Bulle d’air. Trouver un relais pour pouvoir honorer un rendez-vous, s’adonner à un loisir, prendre une vraie nuit de repos, s’accorder un week-end ou des vacances réparatrices. Comment dénicher une solution de répit lorsqu’on est aidant familial ? Créé à l’origine en Savoie, Bulle d’air propose ce service « à la carte » et a essaimé sur plusieurs autres départements.

Les séjours Part’âge. Cette formule de vacances intergénérationnelles a été lancée en 2017 pour favoriser le départ de seniors, préserver leur autonomie et lutter contre les risques de fragilité, et donner la possibilité aux élèves des filières médico-sociales d’établissements d’enseignement agricole de se trouver en immersion professionnelle.