Plabennec, Finistère. « Plab » comme on dit ici, en Breizh izel (Basse-Bretagne). Cette commune rurale rayonne aujourd’hui bien au-delà du Pays des Abers grâce à sa brasserie solidaire, pionnière dans le grand-ouest. La brasserie des Genêts d’Or est un projet engagé et responsable, vecteur de lien social sur le territoire et qui brise les stéréotypes sur le handicap.

D’une plaisanterie à une brasserie

« Faire de la bière, c’est parti d’une plaisanterie et d’un pari. On l’a finalement tenu ! » Marie, Anthony, Erwan, Mathis et Sébastien, leur moniteur, n’en reviennent pas eux-mêmes. Ils sont devenus brasseurs, et en Bretagne, on s’arrache leur bière. En l’espace de quelques mois, ils ont créé de toutes pièces leur atelier de fabrication, dans l’enceinte de l’Esat des Genêt d’Or, et appris les rudiments du métier. « Nous avons aménagé un local de A à Z (montage des cloisons, peintures, carrelage, installation des équipements) entre 2022 et 2024, puis un maître brasseur de l’est de la France est venu nous former pour réaliser un brassin à nos côtés », explique Erwan.

« Au début, on a connu pas mal de galères, poursuit Marie. On a commis des erreurs et subi quelques petits accidents. Il nous a fallu du temps pour assimiler le process, le langage brassicole, imaginer nos premières bières et les affiner. » Persévérance et force d’âme ont fini par payer. Pas du genre à voir le verre à moitié vide, la petite troupe est aujourd’hui en ordre de marche. « Depuis six mois, nous sommes sur notre lancée, indique Sébastien Peyrot, en charge du projet. Nous connaissons nos outils et les procédés. En 2024, nous avons produit environ 5 000 litres et tout a été vendu. » Pour répondre à la demande durant cette année, la microbrasserie espère pouvoir fournir 1 000 à 2 000 litres supplémentaires.

Faire bouger les lignes sur le handicap

Sous les yeux de Yürgen et Nolwenn, les mascottes en peluche de la brasserie des Genêts d’Or, ou BGO, chacun sait désormais ce qu’il a à faire. « Je veille au respect des normes d’hygiène, c’est important de ne rien oublier et d’entretenir le matériel », souligne Anthony, 45 ans, qui apprécie « le calme » de son environnement de travail. Mathis, 20 ans, fait, lui, ses premiers pas dans le monde professionnel. « C’est chouette d’être ici, on en apprend un peu plus chaque semaine. J’aime participer aux étapes de préparation comme l’ébullition, le contrôle de la densité, ou encore le houblonnage. » La bonne humeur est communicative et les rires fusent, même si tout le monde travaille avec efficacité.

Visiblement heureux d’œuvrer ensemble au milieu des cuves de fermentation et des effluves de houblon frais, les compères du Finistère, pour la plupart sous contrat à temps partiel, bénéficient d’un soutien médico-social et éducatif dans un milieu protégé. « Ce cadre est très important pour qu’ils soient et se sentent soutenus et accompagnés dans leurs initiatives, note Sébastien. Nous tenons compte de la fatigabilité ou du besoin accru de concentration des personnes. Résultat, l’équipe est motivée et toujours disponible pour s’investir et gagner en compétences. C’est révélateur. »

Erwan acquiesce. « L’Esat nous permet de nous épanouir car ça reste compliqué pour nous de travailler en milieu ordinaire, j’ai pu en faire les frais, confie le trentenaire. L’intégration du handicap n’est pas une priorité pour toutes les entreprises… L’effet positif des Jeux paralympiques ou du film Un p’tit truc en plus est vite retombé. » Pour faire bouger les lignes, la bande des Genêts d’Or est déterminée à montrer qu’elle mérite la première place du podium et multiplie les projets pour y parvenir.

Livraisons en autonomie

Conçue entre autres avec du malt breton et des houblons français, labélisée bio depuis octobre dernier, la BGO est une boisson artisanale et de proximité. « Nous l’avons fait connaître en organisant des dégustations et en animant des stands de ventes lors d’événements festifs locaux, énonce Marie. L’accueil du public a été super. Les gens ont aimé le projet, des associations nous ont sollicités… nous avons une petite renommée ! » Blonde, rouge, blanche ou triple, la gamme de bières se décline en plusieurs saveurs et en fonction des saisons.

Du concassage des grains de céréales à l’embouteillage, jusqu’à l’étiquetage et la gestion des stocks, tout est fait main. Et les brasseurs veulent aller encore plus loin dans leur démarche et le développement de leur activité. « Plusieurs d’entre eux ont récemment passé le permis de conduire, mentionne fièrement Sébastien. L’étape suivante sera d’assurer les livraisons en autonomie avec un véhicule électrique. » Histoire de boucler la boucle.

Bistrots, épiceries, cavistes, tiers-lieux, le breuvage de Plabennec est disponible dans plusieurs points de vente à Brest, Morlaix ou Plougastel-Daoulas. Jusqu’alors seul Esat à produire de la bière à l’ouest du pays, les Genêts d’Or sont imités par leurs confrères de l’Esat de Châteaulin, situé à quelques encablures, et qui préparent actuellement un atelier brassicole. Bulles d’évasion au bout du monde.

Lauréats de « Territoires en action »

L’inclusivité récompensée. La brasserie des Genêts d’Or a été lauréate de l’appel à projets Territoires en action en 2023. Elle a perçu une aide financière qui lui a permis d’investir dans du matériel.

Porté par Solidel, le réseau pour l’inclusion des personnes en situation de handicap sur leur territoire de vie, et le groupe Agrica (prévoyance santé), Territoires en action vise à soutenir des initiatives innovantes sur les thèmes de la santé et le bien-être, l’avancée en âge, le cadre de vie et l’emploi. Créé il y a plus de 30 ans par la MSA, Solidel accompagne les établissements et valorise les projets locaux grâce à une offre de services adaptée.

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