« Je suis le seul metteur en scène à avoir un diplôme d’inséminateur. » À vrai dire, nous n’avons pas vérifié l’affirmation, peut-être en existe-t-il un ou deux autres dans le monde. Mais personne n’enlèvera à Jean-Pierre George ni le sens de la formule, ni la sincérité d’un artiste qui s’est fait une spécialité de raconter le monde rural, sa rudesse et ses bonheurs. Les sujets de ses pièces résonnent dans l’actualité : l’installation des jeunes exploitants, le suicide chez les agriculteurs ou encore le retour du loup dans les campagnes.
Au plus près des réalités
Il y a 30 ans, à Forcalquier, dans les Alpes-de-Haute-Provence, il a créé la troupe En compagnie des oliviers. Avec un phrasé clair de comédien et une voix de jeune homme, le septuagénaire explique sa méthode d’écriture : « Quand je traite un sujet, je vais voir les personnes concernées. Je me rends chez elles, on échange, parfois je les filme. Je prends mon temps. » Ces rencontres sont souvent marquantes et riches d’humanité, comme avec cette dame souffrant d’un cancer ou avec cet homme encorné par un taureau. Ces tranches de vie constituent sa matière première pour créer. « Je ne suis pas un intellectuel, revendique-t-il, je préfère nourrir affectivement les spectateurs car l’émotion s’enracine davantage. Sur un thème comme les problèmes de santé, c’est bien plus parlant qu’une conférence. » C’est son style : des mots simples, au plus près de la réalité pour que le public retrouve une part de sa vie dans les personnages représentés.
Petit-fils d’agriculteurs, diplômé d’un BTS agricole, Jean-Pierre George a d’abord entamé une carrière dans l’enseignement et la recherche dans ce domaine. Mais il y eut dans sa jeunesse un événement qui alluma un feu artistique qui n’a depuis cessé de brûler. Un professeur en lycée agricole de Chaumont, en Haute-Marne, lui a fait jouer du Pagnol. « Un jour, je suis rentré à la maison, et j’ai dit à mon père : “Je veux être comédien”. Mais à l’époque, cela ne faisait pas sérieux, se souvient-il. Alors j’ai débuté ma vie professionnelle tout en continuant à écrire des histoires. »
Finalement, il s’installe dans le sud du pays et se lance pour de bon, avec le soutien de son épouse Sarah, elle-même à la jonction des mondes paysan et artistique, comédienne et petite-fille de chevriers. « Et aussi musicienne, comptable, chauffeur, ajoute-t-il. Elle est indispensable depuis 30 ans. »
Plus de 2 000 représentations
Il y a près de 20 ans, l’aventure connaît un coup d’accélérateur lors d’une représentation en Ardèche à laquelle assiste le président de la caisse locale de la MSA. C’est le début d’une longue collaboration, qui démarre par l’écriture d’une pièce sur la précarité en agriculture, Semailles d’Automne. Très vite, les commandes venant d’autres caisses affluent. Au total, plus d’une douzaine de ses créations ont été soutenues par la MSA qui reste l’un de ses principaux partenaires.
Plus de 2 000 fois, les acteurs de sa compagnie ont foulé les planches, mais rarement celles des théâtres prestigieux. Le plus souvent, la troupe joue dans les salles des fêtes de petites communes, où l’on bricole pour accueillir au mieux les mots de l’auteur portés par des comédiens partout en France, de Montrond-les-Bains dans la Loire à Entraygues-sur-Truyères dans l’Aveyron en passant par Plounéventer dans le Finistère. Jean-Pierre George l’assume aisément d’autant que le public, dont une grande partie est issue du secteur agricole, est au rendez- vous. « Ce sont des gens que j’aime », assure t- il, satisfait d’avoir réussi une œuvre dont il est fier. Celle d’avoir fait venir le monde paysan dans les salles de spectacle.